Métrique en Ligne
HUG_7/HUG674
Victor HUGO
Les Chansons des rues et des bois
1865
LIVRE SECOND
IV
NIVÔSE
III
À UN AMI
Sur l'effrayante falaise, 7
Mur par la vague entrouvert, 7
Roc sombre où fleurit à l'aise 7
Un charmant petit pré vert, 7
5 Ami, puisque tu me laisses 7
Ta maison loin des vivants 7
Entre ces deux allégresses, 7
Les grands flots et les grands vents, 7
Salut ! merci ! les fortunes 7
10 Sont fragiles, et nos temps, 7
Comme l'algue sous les dunes, 7
Sont dans l'abîme, et flottants. 7
Nos âmes sont des nuées 7
Qu'un vent pousse, âpre ou béni, 7
15 Et qui volent, dénouées, 7
Du côté de l'infini. 7
L'énorme bourrasque humaine, 7
Dont l'étoile est la raison, 7
Prend, quitte, emporte et ramène 7
20 L'espérance à l'horizon. 7
Cette grande onde inquiète 7
Dont notre siècle est meurtri 7
Écume et gronde, et me jette 7
Parfois mon nom dans un cri. 7
25 La haine sur moi s'arrête. 7
Ma pensée est dans ce bruit 7
Comme un oiseau de tempête 7
Parmi les oiseaux de nuit. 7
Pendant qu'ici je cultive 7
30 Ton champ comme tu le veux, 7
Dans maint journal l'invective 7
Grince et me prend aux cheveux. 7
La diatribe m'écharpe ; 7
Je suis âne ou scélérat ; 7
35 Je suis Pradon pour Laharpe, 7
Et pour de Maistre Marat. 7
Qu'importe ! les cœurs sont ivres. 7
Les temps qui viennent feront 7
Ce qu'ils pourront de mes livres 7
40 Et de moi ce qu'ils voudront. 7
J'ai pour joie et pour merveille 7
De voir, dans ton pré d'Honfleur, 7
Trembler au poids d'une abeille 7
Un brin de lavande en fleur. 7
logo du CRISCO logo de l'université