Métrique en Ligne
HUG_7/HUG606
Victor HUGO
Les Chansons des rues et des bois
1865
LIVRE PREMIER
JEUNESSE
I
FLORÉAL
VII
GENIO LIBRI
Ô toi qui dans mon âme vibres, 8
Ô mon cher esprit familier, 8
Les espaces sont clairs et libres ; 8
J'y consens, défais ton collier, 8
5 Mêle les dieux, confonds les styles, 8
Accouple au poean les agnus ; 8
Fais dans les grands cloîtres hostiles 8
Danser les nymphes aux seins nus. 8
Sois de France, sois de Corinthe, 8
10 Réveille au bruit de ton clairon 8
Pégase fourbu qu'on éreinte 8
Au vieux coche de Campistron. 8
Tresse l'acanthe et la liane ; 8
Grise l'augure avec l'abbé ; 8
15 Que David contemple Diane, 8
Qu'Actéon guette Bethsabé. 8
Du nez de Minerve indignée 8
Au crâne chauve de saint Paul 8
Suspends la toile d'araignée 8
20 Qui prendra les rimes au vol. 8
Fais rire Marion courbée 8
Sur les oegipans ahuris. 8
Cours, saute, emmène Alphésibée 8
Souper au Café de Paris. 8
25 Sois gai, hardi, glouton, vorace ; 8
Flâne, aime ; sois assez coquin 8
Pour rencontrer parfois Horace 8
Et toujours éviter Berquin. 8
Peins le nu d'après l'Homme antique, 8
30 Païen et biblique à la fois, 8
Constate la pose plastique 8
D'Ève ou de Rhée au fond des bois. 8
Des amours observe la mue. 8
Défais ce que les pédants font, 8
35 Et, penché sur l'étang, remue 8
L'art poétique jusqu'au fond. 8
Trouble La Harpe, ce coq d'Inde, 8
Et Boileau, dans leurs sanhédrins ; 8
Saccage tout ; jonche le Pinde 8
40 De césures d'alexandrins. 8
Prends l'abeille pour sœur jumelle ; 8
Aie, ô rôdeur du frais vallon, 8
Un alvéole à miel, comme elle, 8
Et, comme elle, un brave aiguillon. 8
45 Plante là toute rhétorique, 8
Mais au vieux bon sens fais écho ; 8
Monte en croupe sur la bourrique, 8
Si l'ânier s'appelle Sancho. 8
Qu'Argenteuil soit ton Pausilippe. 8
50 Sois un peu diable, et point démon, 8
Joue, et pour Fanfan la Tulipe 8
Quitte Ajax fils de Télamon. 8
Invente une églogue lyrique 8
Prenant terre au bois de Meudon, 8
55 Où le vers danse une pyrrhique 8
Qui dégénère en rigodon. 8
Si Loque, Coche, Graille et Chiffe 8
Dans Versailles viennent à toi, 8
Présente galamment la griffe 8
60 À ces quatre filles de roi. 8
Si Junon s'offre, fais ta tâche ; 8
Fête Aspasie, admets Ninon ; 8
Si Goton vient, sois assez lâche 8
Pour rire et ne pas dire : Non. 8
65 Sois le chérubin et l'éphèbe. 8
Que ton chant libre et disant tout 8
Vole, et de la lyre de Thèbe 8
Aille au mirliton de Saint-Cloud. 8
Qu'en ton livre, comme au bocage, 8
70 On entende un hymne, et jamais 8
Un bruit d'ailes dans une cage ! 8
Rien des bas-fonds, tout des sommets ! 8
Fais ce que tu voudras, qu'importe ! 8
Pourvu que le vrai soit content ; 8
75 Pourvu que l'alouette sorte 8
Parfois de ta strophe en chantant ; 8
Pourvu que Paris où tu soupes 8
N'ôte rien à ton naturel ; 8
Que les déesses dans tes groupes 8
80 Gardent une lueur du ciel ; 8
Pourvu que la luzerne pousse 8
Dans ton idylle, et que Vénus 8
Y trouve une épaisseur de mousse 8
Suffisante pour ses pieds nus ; 8
85 Pourvu que Grimod la Reynière 8
Signale à Brillat-Savarin 8
Une senteur de cressonnière 8
Mêlée à ton hymne serein ; 8
Pourvu qu'en ton poème tremble 8
90 L'azur réel des claires eaux ; 8
Pourvu que le brin d'herbe semble 8
Bon au nid des petits oiseaux ; 8
Pourvu que Psyché soit baisée 8
Par ton souffle aux cieux réchauffé ; 8
95 Pourvu qu'on sente la rosée 8
Dans ton vers qui boit du café. 8
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