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HUG_6/HUG140
Victor HUGO
LES ORIENTALES
1829
XXXVIII
Le poète au calife
Tous les habitants de la terre
sont devant lui comme un néant ;
il fait tout ce qui lui plaît ; et nul
ne peut résister à sa main puissante,
ni lui dire : Pourquoi avez-vous fait
ainsi ?
DANIEL.
Ô sultan Noureddin, calife aimé de Dieu ! 12
Tu gouvernes, seigneur, l'empire du milieu, 12
De la mer Rouge au fleuve Jaune. 8
Les rois des nations, vers ta face tournés, 12
5 Pavent, silencieux, de leurs fronts prosternés 12
Le chemin qui mène à ton trône. 8
Ton sérail est très grand, tes jardins sont très beaux. 12
Tes femmes ont des yeux vifs comme des flambeaux, 12
Qui pour toi seul percent leurs voiles. 8
10 Lorsque, astre impérial, aux peuples pleins d'effroi 12
Tu luis, tes trois cents fils brillent autour de toi 12
Comme ton cortège d'étoiles. 8
Ton front porte une aigrette et ceint le turban vert. 12
Tu peux voir folâtrer dans leur bain, entrouvert 12
15 Sous la fenêtre où tu te penches, 8
Les femmes de Madras plus douces qu'un parfum, 12
Et les filles d'Alep qui sur leur beau sein brun 12
Ont des colliers de perles blanches. 8
Ton sabre large et nu semble en ta main grandir. 12
20 Toujours dans la bataille on le voit resplendir, 12
Sans trouver turban qui le rompe, 8
Au point où la mêlée a de plus noirs détours, 12
Où les grands éléphants, entrechoquant leurs tours, 12
Prennent des chevaux dans leur trompe. 8
25 Une fée est cachée en tout ce que tu vois. 12
Quand tu parles, calife, on dirait que ta voix 12
Descend d'un autre monde au nôtre ; 8
Dieu lui-même t'admire, et de félicités 12
Emplit la coupe d'or que tes jours enchantés, 12
30 Joyeux, se passent l'un à l'autre. 8
Mais souvent dans ton cœur, radieux Noureddin, 12
Une triste pensée apparaît, et soudain 12
Glace ta grandeur taciturne : 8
Telle en plein jour, parfois, sous un soleil de feu, 12
35 La lune, astre des morts, blanche au fond d'un ciel bleu, 12
Montre à demi son front nocturne. 8
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