Métrique en Ligne
HUG_6/HUG132
Victor HUGO
LES ORIENTALES
1829
XXX
Romance mauresque
Dixóle : — dime, buen hombre,
Lo que preguntarte queria.
ROMANCERO GENERAL.
Don Rodrigue est à la chasse. 7
Sans épée et sans cuirasse, 7
Un jour d'été, vers midi, 7
Sous la feuillée et sur l'herbe 7
5 Il s'assied, l'homme superbe, 7
Don Rodrigue le hardi. 7
La haine en feu le dévore. 7
Sombre, il pense au bâtard maure. 7
À son neveu Mudarra, 7
10 Dont ses complots sanguinaires 7
Jadis ont tué les frères, 7
Les sept infants de Lara. 7
Pour le trouver en campagne, 7
Il traverserait l'Espagne 7
15 De Figuère à Setuval. 7
L'un des deux mourrait sans doute. 7
En ce moment sur la route 7
Il passe un homme à cheval. 7
— Chevalier, chrétien ou maure, 7
20 Qui dors sous le sycomore, 7
Dieu te guide par la main ! 7
— Que Dieu répande ses grâces 7
Sur toi, l'écuyer qui passes, 7
Qui passes par le chemin ! 7
25 — Chevalier, chrétien ou maure, 7
Qui dors sous le sycomore, 7
Parmi l'herbe du vallon, 7
Dis ton nom, afin qu'on sache 7
Si tu portes le panache 7
30 D'un vaillant ou d'un félon. 7
— Si c'est là ce qui t'intrigue, 7
On m'appelle don Rodrigue, 7
Don Rodrigue de Lara, 7
Doña Sanche est ma sur même. 7
35 Du moins, c'est à mon baptême 7
Ce qu'un prêtre déclara. 7
J'attends sous ce sycomore : 7
J'ai cherché d'Albe à Zamore 7
Ce Mudarra le bâtard, 7
40 Le fils de la renégate, 7
Qui commande une frégate 7
Du roi maure Aliatar. 7
Certe, à moins qu'il ne m'évite, 7
Je le reconnaîtrais vite : 7
45 Toujours il porte avec lui 7
Notre dague de famille ; 7
Une agate au pommeau brille, 7
Et la lame est sans étui. 7
Oui, par mon âme chrétienne, 7
50 D'une autre main que la mienne 7
Ce mécréant ne mourra. 7
C'est le bonheur que je brigue… 7
— On t'appelle don Rodrigue, 7
Don Rodrigue de Lara ? 7
55 Eh bien ! Seigneur, le jeune homme 7
Qui te parle et qui te nomme, 7
C'est Mudarra le bâtard. 7
C'est le vengeur et le juge. 7
Cherche à présent un refuge ! — 7
60 L'autre dit : — Tu viens bien tard ! 7
— Moi, fils de la renégate, 7
Qui commande une frégate 7
Du roi maure Aliatar, 7
Moi, ma dague et ma vengeance, 7
65 Tous les trois d'intelligence, 7
Nous voici ! — Tu viens bien tard ! 7
— Trop tôt pour toi, don Rodrigue, 7
À moins qu'il ne te fatigue 7
De vivre… Ah ! la peur t'émeut, 7
70 Ton front pâlit ; rends, infâme, 7
À moi ta vie, et ton âme 7
À ton ange, s'il en veut ! 7
Si mon poignard de Tolède 7
Et mon Dieu me sont en aide, 7
75 Regarde mes yeux ardents, 7
Je suis ton seigneur, ton maître, 7
Et je t'arracherai, traître, 7
Le souffle d'entre les dents ! 7
Le neveu de doña Sanche 7
80 Dans ton sang enfin étanche 7
La soif qui le dévora. 7
Mon oncle, il faut que tu meures. 7
Pour toi plus de jours ni d'heures…! 7
— Mon bon neveu Mudarra, 7
85 Un moment ! attends que j'aille 7
Chercher mon fer de bataille. 7
— Tu n'auras d'autres délais 7
Que celui qu'ont eu mes frères : 7
Dans les caveaux funéraires 7
90 Où tu les as mis, suis-les ! 7
Si jusqu'à l'heure venue, 7
J'ai gardé ma lame nue, 7
C'est que je voulais, bourreau, 7
Que, vengeant la renégate, 7
95 Ma dague au pommeau d'agate 7
Eût ta gorge pour fourreau. 7
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