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HUG_6/HUG130
Victor HUGO
LES ORIENTALES
1829
XXVIII
Les djinns
Et comme les grues qui font dans
l'air de longues files vont chantant
leur plainte, ainsi je vis venir traînant
des gémissement les ombres
emportées par cette tempête.
E come i gru van cantando lor lai
Facendo in aer di se lunga riga ;
Cosi vid'io venir traendo guai
Ombre portate dalla detta briga.
DANTE.
Murs, ville, 2
Et port, 2
Asile 2
De mort, 2
5 Mer grise 2
Où brise 2
La brise, 2
Tout dort. 2
Dans la plaine 3
10 Naît un bruit. 3
C'est l'haleine 3
De la nuit. 3
Elle brame 3
Comme une âme 3
15 Qu'une flamme 3
Toujours suit ! 3
La voix plus haute 4
Semble un grelot. 4
D'un nain qui saute 4
20 C'est le galop. 4
Il fuit, s'élance, 4
Puis en cadence 4
Sur un pied danse 4
Au bout d'un flot. 4
25 La rumeur approche. 5
L'écho la redit. 5
C'est comme la cloche 5
D'un couvent maudit ; 5
Comme un bruit de foule, 5
30 Qui tonne et qui roule, 5
Et tantôt s'écroule, 5
Et tantôt grandit, 5
Dieu ! la voix sépulcrale 6
Des Djinns !… Quel bruit ils font ! 6
35 Fuyons sous la spirale 6
De l'escalier profond. 6
Déjà s'éteint ma lampe, 6
Et l'ombre de la rampe, 6
Qui le long du mur rampe, 6
40 Monte jusqu'au plafond. 6
C'est l'essaim des Djinns qui passe, 7
Et tourbillonne en sifflant ! 7
Les ifs, que leur vol fracasse, 7
Craquent comme un pin brûlant. 7
45 Leur troupeau, lourd et rapide, 7
Volant dans l'espace vide, 7
Semble un nuage livide 7
Qui porte un éclair au flanc. 7
Ils sont tout près ! — Tenons fermée 8
50 Cette salle, où nous les narguons. 8
Quel bruit dehors ! Hideuse armée 8
De vampires et de dragons ! 8
La poutre du toit descellée 8
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée, 8
55 Et la vieille porte rouillée 8
Tremble, à déraciner ses gonds ! 8
Cris de l'enfer ! voix qui hurle et qui pleure ! 10
L'horrible essaim, poussé par l'aquilon, 10
Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure. 10
60 Le mur fléchit sous le noir bataillon. 10
La maison crie et chancelle penchée, 10
Et l'on dirait que, du sol arrachée, 10
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée, 10
Le vent la roule avec leur tourbillon ! 10
65 Prophète ! si ta main me sauve 8
De ces impurs démons des soirs, 8
J'irai prosterner mon front chauve 8
Devant tes sacrés encensoirs ! 8
Fais que sur ces portes fidèles 8
70 Meure leur souffle d'étincelles, 8
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes 8
Grince et crie à ces vitraux noirs ! 8
Ils sont passés ! — Leur cohorte 7
S'envole, et fuit, et leurs pieds 7
75 Cessent de battre ma porte 7
De leurs coups multipliés. 7
L'air est plein d'un bruit de chaînes, 7
Et dans les forêts prochaines 7
Frissonnent tous les grands chênes, 7
80 Sous leur vol de feu pliés ! 7
De leurs ailes lointaines 6
Le battement décroît, 6
Si confus dans les plaines, 6
Si faible, que l'on croit 6
85 Ouïr la sauterelle 6
Crier d'une voix grêle, 6
Ou pétiller la grêle 6
Sur le plomb d'un vieux toit. 6
D'étranges syllabes 5
90 Nous viennent encor ; — 5
Ainsi, des Arabes 5
Quand sonne le cor, 5
Un chant sur la grève 5
Par instants s'élève, 5
95 Et l'enfant qui rêve 5
Fait des rêves d'or. 5
Les Djinns funèbres, 4
Fils du trépas, 4
Dans les ténèbres 4
100 Pressent leurs pas ; 4
Leur essaim gronde : 4
Ainsi, profonde, 4
Murmure une onde 4
Qu'on ne voit pas. 4
105 Ce bruit vague 3
Qui s'endort, 3
C'est la vague 3
Sur le bord ; 3
C'est la plainte 3
110 Presque éteinte 3
D'une sainte 3
Pour un mort. 3
On doute 2
La nuit… 2
115 J'écoute : — 2
Tout fuit, 2
Tout passe 2
L'espace 2
Efface 2
120 Le bruit. 2
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