Métrique en Ligne
HUG_6/HUG124
Victor HUGO
LES ORIENTALES
1829
XXII
Vœu
Ainsi qu'on choisit une rose
Dans les guirlandes de Sarons,
Choisissez une vierge éclose
Parmi les lis de vos vallons.
LAMARTINE.
Si j'étais la feuille que roule 8
L'aile tournoyante du vent, 8
Qui flotte sur l'eau qui s'écoule, 8
Et qu'on suit de l'œil en rêvant ; 8
5 Je me livrerais, fraîche encore, 8
De la branche me détachant, 8
Au zéphyr qui souffle à l'aurore, 8
Au ruisseau qui vient du couchant. 8
Plus loin que le fleuve, qui gronde, 8
10 Plus loin que les vastes forêts, 8
Plus loin que la gorge profonde, 8
Je fuirais, je courrais, j'irais ! 8
Plus loin que l'antre de la louve, 8
Plus loin que le bois des ramiers, 8
15 Plus loin que la plaine où l'on trouve 8
Une fontaine et trois palmiers ; 8
Par delà ces rocs qui répandent 8
L'orage en torrent dans les blés, 8
Par delà ce lac morne, où pendent 8
20 Tant de buissons échevelés ; 8
Plus loin que les terres arides 8
Du chef maure au large ataghan, 8
Dont le front pâle a plus de rides 8
Que la mer un jour d'ouragan. 8
25 Je franchirais comme la flèche 8
L'étang d'Arta, mouvant miroir, 8
Et le mont dont la cime empêche 8
Corinthe et Mykos de se voir. 8
Comme par un charme attirée, 8
30 Je m'arrêterais au matin 8
Sur Mykos, la ville carrée, 8
La ville aux coupoles d'étain. 8
J'irais chez la fille du prêtre, 8
Chez la blanche fille à l'œil noir, 8
35 Qui le jour chante à sa fenêtre, 8
Et joue à sa porte le soir. 8
Enfin, pauvre feuille envolée, 8
Je viendrais, au gré de mes vœux, 8
Me poser sur son front, mêlée 8
40 Aux boucles de ses blonds cheveux ; 8
Comme une perruche au pied leste 8
Dans le blé jaune, ou bien encor 8
Comme, dans un jardin céleste, 8
Un fruit vert sur un arbre d'or. 8
45 Et là, sur sa tète qui penche, 8
Je serais, fût-ce peu d'instants, 8
Plus fière que l'aigrette blanche 8
Au front étoilé des sultans. 8
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