VII |
La douleur du pacha |
Séparé de tout ce qui m'était cher, je me consume solitaire et désolé. |
BYRON
|
|
|
— Qu'a donc l'ombre d'Allah ? disait l'humble derviche ; |
12 |
|
Son aumône est bien pauvre et son trésor bien riche ! |
12 |
|
Sombre, immobile, avare, il rit d'un rire amer. |
12 |
|
A-t-il donc ébréché le sabre de son père ? |
12 |
5 |
Ou bien de ses soldats autour de son repaire |
12 |
|
Vu rugir l'orageuse mer ? |
8 |
|
|
— Qu'a-t-il donc le pacha, le vizir des armées ? |
12 |
|
Disaient les bombardiers, leurs mèches allumées. |
12 |
|
Les imams troublent-ils cette tête de fer ? |
12 |
10 |
A-t-il du ramadan rompu le jeûne austère ? |
12 |
|
Lui font-ils voir en rêve, aux bornes de la terre, |
12 |
|
L'ange Azraël debout sur le pont de l'enfer ? |
12 |
|
|
— Qu'a-t-il donc ? murmuraient les icoglans stupides. |
12 |
|
Dit-on qu'il ait perdu, dans les courants rapides, |
12 |
15 |
Le vaisseau des parfums qui le font rajeunir ? |
12 |
|
Trouve-t-on à Stamboul sa gloire assez ancienne ? |
12 |
|
Dans les prédictions de quelque égyptienne |
12 |
|
A-t-il vu le muet venir ? |
8 |
|
|
— Qu'a donc le doux sultan ? demandaient les sultanes. |
12 |
20 |
A-t-il avec son fils surpris sous les platanes |
12 |
|
Sa brune favorite aux lèvres de corail ? |
12 |
|
A-t-on souillé son bain d'une essence grossière ? |
12 |
|
Dans le sac du fellah, vidé sur la poussière, |
12 |
|
Manque-t-il quelque tête attendue au sérail ? |
12 |
|
25 |
— Qu'a donc le maître ? ainsi s'agitent les esclaves. |
12 |
|
Tous se trompent. — Hélas ! si, perdu pour ses braves, |
12 |
|
Assis, comme un guerrier qui dévore un affront, |
12 |
|
Courbé comme un vieillard sous le poids des années, |
12 |
|
Depuis trois longues nuits et trois longues journées, |
12 |
30 |
Il croise ses mains sur son front, |
8 |
|
|
Ce n'est pas qu'il ait vu la révolte infidèle, |
12 |
|
Assiégeant son harem comme une citadelle, |
12 |
|
Jeter jusqu'à sa couche un sinistre brandon ; |
12 |
|
Ni d'un père en sa main s'émousser le vieux glaive ; |
12 |
35 |
Ni paraître Azraël ; ni passer dans un rêve |
12 |
|
Les muets bigarrés armés du noir cordon. |
12 |
|
|
Hélas ! l'ombre d'Allah n'a pas rompu le jeûne ; |
12 |
|
La sultane est gardée, et son fils est trop jeune ; |
12 |
|
Nul vaisseau n'a subi d'orages importuns ; |
12 |
40 |
Le tartare avait bien sa charge accoutumée ; |
12 |
|
Il ne manque au sérail, solitude embaumée, |
12 |
|
Ni les têtes ni les parfums. |
8 |
|
|
Ce ne sont pas non plus les villes écroulées, |
12 |
|
Les ossements humains noircissant les vallées, |
12 |
45 |
La Grèce incendiée, en proie aux fils d'Omar, |
12 |
|
L'orphelin, ni la veuve, et ses plaintes amères, |
12 |
|
Ni l'enfance égorgée aux yeux des pauvres mères, |
12 |
|
Ni la virginité marchandée au bazar ; |
12 |
|
|
Non, non, ce ne sont pas ces figures funèbres, |
12 |
50 |
Qui, d'un rayon sanglant luisant dans les ténèbres, |
12 |
|
En passant dans son âme ont laissé le remord. |
12 |
|
Qu'a-t-il donc ce pacha, que la guerre réclame, |
12 |
|
Et qui, triste et rêveur, pleure comme une femme ?… |
12 |
|
Son tigre de Nubie est mort. |
8 |
|
1er décembre 1827.
|