|
Je suis votre vaincu, mais, regardez ma taille, |
12 |
|
Dieux, je reste montagne après votre bataille ; |
12 |
|
Et moi qui suis pour vous un sombre encombrement, |
12 |
|
A peine je vous vois au fond du firmament. |
12 |
|
Si vous existez, soit. Je dors. |
|
5 |
Si vous existez, soit. Je dors. Vous, troglodytes, |
|
|
Hommes qui ne savez jamais ce que vous dites, |
12 |
|
Vivants qui fourmillez dans de l'ombre, indistincts, |
12 |
|
Ayant déjà les vers de terre en vos instincts, |
12 |
|
Vous qu'attend le sépulcre et qui rampez d'avance, |
12 |
10 |
Sachez que la prière est une connivence, |
12 |
|
Et ne me plaignez pas ! Nains promis aux linceuls, |
12 |
|
Tremblez si vous voulez, mais tremblez pour vous seuls ! |
12 |
|
Quant à moi, que Vénus, déesse aux yeux de grue, |
12 |
|
Que Mars bête et sanglant, que Diane bourrue, |
12 |
15 |
Viennent rire au-dessus de mon sinistre exil |
12 |
|
Ou faire un froncement quelconque de sourcil, |
12 |
|
Que dans mon ciel farouche et lourd l'Olympe ébauche |
12 |
|
Son tumulte mêlé de crime et de débauche, |
12 |
|
Qu'il raille le grand Pan, croyant l'avoir tué, |
12 |
20 |
Que Jupiter joyeux, tonnant, infatué, |
12 |
|
Démuselle les vents imbéciles, dérègle |
12 |
|
L'éclair et l'aquilon, et déchaîne son aigle, |
12 |
|
Cela m'est bien égal à moi qui suis trois fois |
12 |
|
Plus haut que n'est profond l'océan plein de voix. |
12 |
25 |
Hommes, je ris des nœuds dont la peur vous enlace. |
12 |
|
Tous ces olympiens sont de la populace. |
12 |
|
Ah ! certes, ces passants, que vous nommez les dieux, |
12 |
|
Furent de fiers bandits sous le ciel radieux ; |
12 |
|
Les montagnes, avec leurs bois et leurs vallées, |
12 |
30 |
Sont de leur noir viol toutes échevelées, |
12 |
|
Je le sais, et, resté presque seul maintenant, |
12 |
|
Je suis par la grandeur de ma chute gênant ; |
12 |
|
Non, je ne les crains pas ; et, quant à leurs approches, |
12 |
|
Je les attends avec des roulements de roches, |
12 |
35 |
Je les appelle gueux et voleurs, c'est leur nom, |
12 |
|
Et ne veux pas savoir s'ils sont contents ou non. |
12 |
|
O vivants, il paraît qu'à la haine tenaces, |
12 |
|
Ces dieux me font de loin, dans l'ombre, des menaces. |
12 |
|
Soit, j'oublie et je songe ; et je m'informe peu |
12 |
40 |
Si l'éclair que je vois est la lueur d'un dieu. |
12 |
|
J'ai ma flûte et j'en joue au penchant des montagnes, |
12 |
|
Je m'ajoute aux sommets au-dessus des campagnes, |
12 |
|
Et je laisse les dieux bruire et bougonner. |
12 |
|
Croit-on que je prendrai la peine de tourner |
12 |
45 |
La tête dans les bois et sur les hautes cimes, |
12 |
|
Que je m'effarerai dans les forêts sublimes, |
12 |
|
Et que j'interromprai mon rêve et ma chanson, |
12 |
|
Pour un roucoulement de foudre à l'horizon ? |
12 |