III |
ENTRE GÉANTS ET DIEUX |
Le Géant, aux Dieux |
LE GÉANT |
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Un mot. Si, par hasard, il vous venait l'idée |
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Que cette herbe où je dors, de rosée inondée, |
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Est faite pour subir n'importe quel pied nu, |
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Et que ma solitude est au premier venu, |
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Si vous pensiez entrer dans l'ombre où je séjourne |
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Sans que ma grosse tête au fond des bois se tourne, |
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Si vous vous figuriez que je vous laisserais |
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Tout déranger, percer des trous dans mes forêts, |
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Ployer mes vieux sapins et casser mes grands chênes, |
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Mettre à la liberté de mes torrents des chaînes, |
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Chasser l'aigle, et marcher sur mes petites fleurs, |
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Que vous pourriez venir faire les enjôleurs |
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Chez les nymphes des bois qui ne sont que des sottes, |
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Que vous pourriez le soir amener dans mes grottes |
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La Vénus avec qui tous vous vous mariez, |
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Que je n'ai pas des yeux pour voir, que vous pourriez |
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Vous vautrer sur mes joncs où les dragons des antres |
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Laissent en s'en allant la trace de leurs ventres, |
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Que vous pourriez salir la pauvre source en pleurs, |
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Que je vous laisserais, ainsi que des voleurs, |
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Aller, venir, rôder dans la grande nature ; |
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Si vous imaginiez cette étrange aventure |
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Qu'ici je vous verrais rire, semer l'effroi, |
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Faire l'amour, vous mettre à votre aise chez moi, |
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Sans des soulèvements énormes de montagnes, |
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Et sans vous traiter, vous, princes, et vos compagnes, |
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Comme les ours qu'au fond des halliers je poursuis, |
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Vous me croiriez plus bête encor que je ne suis ! |
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VÉNUS |
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Calme-toi. Nous avons dans l'Olympe des chambres, |
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Bonhomme. |
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LE GÉANT |
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Bonhomme. Oui, je sais bien, parce que j'ai des membres |
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Vastes, et que les doigts robustes de mes pieds |
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Semblent sur l'affreux tronc des saules copiés, |
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Parce que mes talons sont tout noirs de poussière, |
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Parce que je suis fait de la pâte grossière |
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Dont est faite la terre auguste et dont sont faits |
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Les grands monts, ces muets et sacrés portefaix ; |
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Vu que des plus vieux rocs j'ai passé les vieillesses, |
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Et que je n'ai pas, moi, toutes vos gentillesses, |
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Étant une montagne à forme humaine, au fond |
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Du gouffre, où l'ombre avec les pierres me confond, |
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Vu que j'ai l'air d'un bloc, d'une tour, d'un décombre, |
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Et que je fus taillé dans l'énormité sombre, |
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Je passe pour stupide. On rit de moi, vraiment, |
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Et l'on croit qu'on peut tout me faire impunément. |
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Soit. Essayez. Tâtez mon humeur endurante. |
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Combien de dards avait le serpent Stryx ? Quarante. |
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Combien de pieds avait l'hydre Phluse ? Trois cents. |
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J'ai broyé Stryx et Phluase entre mes poings puissants. |
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Osez donc ! Ah ! je sens la colère hagarde |
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Battre de l'aile autour de mon front. Prenez garde ! |
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Laissez-moi dans mon trou plein d'ombre et de parfums. |
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Que les olympiens ne soient pas importuns, |
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Car il se pour ait bien qu'on vît de quelle sorte |
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On les chasse, et comment, pour leur fermer sa porte, |
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Un ténébreux s'y prend avec les radieux, |
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Si vous venez ici m'ennuyer, tas de dieux ! |
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