Métrique en Ligne
HUG_27/HUG1677
Victor HUGO
DERNIÈRE GERBE
1902
CXVIII
RÉPONSE À L'OBJECTION : MAL
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— Ah ! puisque c'est ainsi, je ne veux pas de Dieu ! 12
Je ne veux pas de Dieu ! — Voilà ton cri morose. 12
Ayant trouvé le mal au bout de toute chose, 12
5 Ayant, trouvé le fond amer, l'homme manqué 12
Par l'incompréhensible et fatal ananké, 12
Tu dis : — Je hais le dieu, si c'est cela le monde ! 12
Pour juger l'ouvrier, surson œuvre on se fonde ; 12
Or l'ouvrage est mauvais, donc l'auteur est méchant, 12
10 Et je hais ce Dieu ! — Puis, un remords te touchant, 12
Tu dis : — Mais j'ai peut-être erré ; l'ombre est profonde ; 12
Peut-être n'est-ce pas dans Dieu que va ma sonde ; 12
Peut-être, ô vain chercheur, Dieu m'a-t-il échappé ; 12
Si je m'étais trompé ? —
Tu ne t'es pas trompé.
15 Ta sonde est bien tombée à l'abîme suprême ; 12
Oui, tu viens de jeter ton esprit dans-Dieu même ; 12
Oui, c'est ce précipice énorme de rayons, 12
C'est Dieu.
Jette une éponge à l'Océan, voyons ;
Reprends-la. Qu'as-tu ? Rien. Un verre d'eau salée. 12
20 Quant à la mer, profonde et terrible mêlée, 12
Quant à l'immensité des écumes, des bruits, 12
Des flots, incessamment détruits et reconstruits, 12
Quant au chaos dés chocs, des trombes, des tempêtes, 12
Dont l'ouragan hagard sonne les sombres fêtes, 12
25 Plein de monstres sans nom qui rôdent engloutis, 12
Cachant des oasis et des O-Taïtis 12
Où des idylles vont et viennent toutes nues ; 12
Quant à cette tourmente insondable de nues, 12
D'ondes, d'écueils, d'azur flottant, d'azur qui luit ; 12
30 Quant à ce gouffre où naît le matin, où la nuit 12
Trempe sa robe d'ombre et son manteau d'étoiles ; 12
Quant à ce rendez-vous des souffles et des voiles ; 12
Quant à cet infini, noir, fauve, éblouissant, 12
Crois-tu que tu le tiens dans ta main ? A présent 12
35 S'il te plaît de porter à ta bouche ce verre, 12
S'il te plaît de tremper ta lèvre à l'eau sévère, 12
Et si ton estomac frémit 'en la buvant, 12
Si ton viscère abject se soulève, trouvant 12
Une saveur amère à la chose sublime, 12
40 Est-ce que tu diras qu'ayant goûté l'abîme ; 12
Tu viens, toi qui ne vis que si bas et si peu, 12
De revomir la mer et de recracher Dieu ? 12
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