Métrique en Ligne
HUG_27/HUG1634
Victor HUGO
DERNIÈRE GERBE
1902
LXXVI
À DES BAIGNEUSES
Ô femmes, la pudeur, c'est la honte sacrée : 12
Le lieu sombre et divin qui rayonne et qui crée, 12
Cette chair sous laquelle on aperçoit l'esprit, 12
Le ventre qui féconde et le sein qui nourrit, 12
5 Sont des mystères pleins d'épouvante et de charme. 12
C'est pourquoi votre œil roule une céleste larme ; 12
C'est pourquoi vous cherchez, loin des pas et des voix, 12
Ô baigneuses, l'abri silencieux des bois. 12
La nature sauvage et profonde vous couvre. 12
10 Votre robe inquiète en tressaillant s'entr'ouvre, 12
Puis tombe, et vous avez, le dernier voile ôté, 12
Peur de votre lumière et de votre beauté. 12
Si quelqu'un me voyait ! dit la nymphe ingénue. 12
Comme c'est effrayant d'être une aurore nue ! 12
15 Et vous avez raison, belles, de vous cacher. 12
Vos corps exquis, plus frais que la fleur du pêcher, 12
Frémiraient du regard d'un passant, faune infâme 12
Qui cherche la matière au lieu de chercher l'âme. 12
A toute belle chose il-faut un vêtement. 12
20 L'œil de l'homme toujours guette en quoi se dément 12
La beauté, la vertu, le génie, et s'attache, 12
Sinistre, à la splendeur : pour y trouver la tache. 12
Toute clarté, pour fuir l'offense dé nos yeux, 12
S'enveloppe d'un pli chaste et mystérieux, 12
25 Et l'on sè sént farouche alors qu'oh est suprême 12
Et voilà pourquoi Dieu, sachant què l'astre même 12
A sa pudeur, et veut un voile auguste et pur, 12
Met sur la nudité des étoiles l'azur. 12
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