XLVI |
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On a de chauds clients et des amis nombreux ; |
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On rit, on chante, on brave, on vit ; on est heureux, |
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On est impie à l'aise ; on triomphe ; on oublie : |
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La mort qui se souvient, l'heure où tout se délie, |
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Et la submersion sombre de l'absolu. |
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Mais il vient, ce moment où tout est superflu, |
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Où la nuit vous saisit comme un hideux reptile, |
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Où tout ce qu'on peut faire est une offre inutile, |
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Où l'on a beau prier, implorer, supplier. |
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As-tu vu d'aventure un riche se noyer ? |
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Il crie à ceux qu'il voit sur le rivage : — À l'aide ! |
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— … Cent francs ! — … dix mille francs ! — … tout ce que je possède ! |
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Et la voix du noyé se perd sous le flot noir. |
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Ainsi, précipité, sans appui, sans espoir, |
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Le damné, s'attachant aux parois de la tombe, |
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Sent sous lui l'ouverture épouvantable, et tombe. |
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Il se tord, il appelle, il voit le firmament |
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Et la terre et le jour s'enfuir rapidement, |
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Et n'est plus qu'une forme indistincte qui sombre, |
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Et s'enfonce, et, hagard, roule à jamais sous l'ombre. |
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