LIV |
DÉPART ET RETOUR DES RÉGIMENTS |
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— Aigles, où courez-vous ? |
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— Aigles, où courez-vous ? Que c'est beau la lumière ! |
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Que c'est beau le soleil ! Dans 'sa splendeur première, |
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Quand l'aurore apparut, l'aigle la contempla, |
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Et, s'envolant, il dit à l'astre me voilà ! |
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Car vous avez, oiseaux que hait l'ombre éternelle, |
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Pour le soleil les yeux, pour la liberté l'aile. |
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L'aigle chasse la brume affreuse du vallon ; |
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Il n'est qu'un souffle alors, mais s'appelle aquilon. |
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Les peuples ont besoin, Dieu seul étant leur règle, |
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D'avoir au-dessus d'eux l'immense vol de l'aigle ; |
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Car il tombe de l'aigle un éblouissement. |
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L'aigle va chercher l'aube au fond du firmament, |
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Vole, et crie en planant dans son vaste équilibre : |
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Hommes, voilà comment on est quand on est, libre ! |
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Le groupe obscur des Nuits craint cet,audacieux. |
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Aigles, votre coup d'aile est nécessaire aux cieux. |
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Tout ce qui n'est pas vie, amour, clarté, principe, |
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Devant votre passage effrayant, se dissipe |
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Votre fier bruit d'orage épouvante le mal ; |
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Le monde esprit succède au vil monde animal ; |
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Partout où vous planez surgit la délivrance, |
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Vous n'êtes plus la Guerre et vous vous nommez France. |
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Le bruit d'ailes s'éloigne. Ils s'en vont. |
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Le bruit d'ailes s'éloigne. Ils s'en vont. On dirait |
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Que le ciel tout à coup devient une forêt. |
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Dieu ! quelle chute brusque et sombre de ténèbres ! |
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Sous l'épaississement des silences funèbres, |
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Tout s'efface, et l'espace obscur se refroidit ; |
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L'horizon misérable et morne a l'air maudit ; |
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Des lueurs qui brillaient meurent l'une après l'autre ; |
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De ces langues de feu qui tombaient sur l'apôtre, |
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A peine'en flotte-t-il quelques-unes, au fond |
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D'une ombre où nul ne voit ce que les peuples font ; |
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Toute la terre a pris l'aspect visionnaire ; |
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Et dans cette noirceur roule un vague tonnerre. |
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Le paysage horrible est pestilentiel ; |
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Chacun des quatre vents ; aux quatre coins du ciel, |
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Prononce un mot sinistre, et, comme dans un rêve, |
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On entend sur les monts, sur la mer, sur la 'grève, |
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Cette clameur : Hélas ! Puebla ! puis ce glas : |
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Hélas ! Mentana ! puis ces cris : Aubin ! Hélas ! |
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Hélas ! Ricarnarie ! Hélas ! Un sombre dôme |
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Reluit ; c'est Rome, à moins que ce ne soit Sodome. |
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Des silhouettes sont à terre, et c'est épars, |
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Nu, terrible, et le sang fume de toutes parts ; |
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On' entend un tumulte ailé qui se rapproche ; |
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Et dans l'ombre, ici, là, sous l'arbre, sous la roche, |
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Dans les villes, au fond des bois, au pied des tours, |
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Partout, on voit des morts… |
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Partout, on voit des morts… — D'où venez-vous, vautours ? |
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H. H.
Décembre.
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