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Un peuple était debout, et ce peuple était grand. |
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Il marchait lumineux dans le progrès flagrant. |
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Lés autres nations disaient : Voici la tête ! |
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Il avait traversé cette énorme tempête |
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Quatrevingt-treize, et mis le vieux monde au tombeau ; |
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Dans la lutte difforme il était resté beau ; |
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Ce fier peuple, assailli d'évènements funèbres, |
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Avait fait des rayons de toutes ces ténèbres ; |
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Il avait fait, démon, dieu, sauveur irrité, |
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De la combustion des siècles sa clarté. |
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Il avait eu Pascal, il avait eu Molière ; |
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Il avait vu sur lui s'épaissir comme un lierre |
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L'amour des nations dont il était l'appui ; |
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Et pendant soixante ans sur sa cime avait lui |
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Voltaire, cet esprit de flamme armé du rire, |
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Ce titan qui, proscrit, empêchait de proscrire, |
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Ce pasteur guidant l'âme, enseignant le devoir |
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Et chassant le troupeau des dogmes au lavoir. |
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Ce peuple avait en lui la loi qui développe ; |
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A force d'être France il devenait Europe ; |
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A force d'être Europe il était l'univers. |
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Il savait rester un tout en étant divers ; |
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Chaque race est un chiffre, il en était la somme ; |
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Et ce peuple était plus qu'un peuple ; il était l'Homme. |
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Dans la forêt sinistre il était l'éclaireur ; |
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Son pas superbe était le recul de l'erreur ; |
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Il proclamait le vrai sur la terre ; une lave |
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Sortait de son esprit qui délivrait l'esclave, |
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Et la femme, et le faible, et le pauvre inquiet, |
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Et l'aveugle ignorant, de sorte qu'on voyait |
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Devant sa flamme, hostile au mal, au crime, aux haines, |
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S'enfuir la vieille nuit traînant les vieilles chaînes. |
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Il était entouré des ruines du mal, |
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D'abus tombés, monceau formidable et fatal, |
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De droits ressuscités, de vertus retrouvées, |
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Et de petites mains d'enfants, vers lui levées. |
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Au lieu de dire : Grâce ! il disait : Il le faut ! |
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Il combattait la guerre, il tuait l'échafaud. |
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Père et frère, il donnait la vie, ôtait les maîtres. |
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Guetté, mais fort, trop grand, hélas ! pour croire aux traîtres, |
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Il marchait aussi pur que l'aube en floréal, |
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L'œil fixé sur ce ciel qu'on nomme l'idéal. |
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