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Écoute-moi. Voici la chose nécessaire : |
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Être aimé. Hors de là rien n'existe, entends-tu ? |
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Être aimé, c'est l'honneur, le devoir, la vertu, |
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C'est Dieu, c'est le démon, c'est tout. J'aime, et l'on m'aime. |
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Cela dit, tout est dit. Pour que je sois moi-même, |
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Fier, content, respirant l'air libre à pleins poumons, |
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Il faut que j'aie une ombre et qu'elle dise : Aimons ! |
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Il faut que de mon âme une autre âme se double, |
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Il faut que, si je suis absent, quelqu'un se trouble, |
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Et, me cherchant des yeux, murmure : Où donc est-il ? |
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Si personne ne dit cela, je sens l'exil, |
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L'anathème et l'hiver sur moi, je suis terrible, |
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Je suis maudit. Le grain que rejette le crible, |
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C'est l'homme sans foyer, sans but, épars au vent. |
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Ah ! celui qui n'est pas aimé, n'est pas vivant. |
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Quoi, nul ne vous choisit ! Quoi, rien ne vous préfère ! |
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A quoi bon l'univers ? l'âme qu'on a, qu'en faire ? |
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Que faire d'un regard dont personne ne veut ? |
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La vie attend l'amour, le fil cherche le nœud. |
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Flotter au hasard ? Non ! Le frisson vous pénètre ; |
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L'avenir s'ouvre ainsi qu'une pâle fenêtre ; |
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Où mettra-t-on sa vie et son rêve ? On se croit |
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Orphelin ; l'azur semble ironique. On a froid ; |
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Quoi ! ne plaire à personne au monde ! rien n'apaise |
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Cette honte sinistre ; on languit, l'heure pèse, |
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Demain, qu'on sent venir triste, attriste aujourd'hui. |
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Où vivre ? où fuir ? On est seul dans l'immense ennui. |
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Une maîtresse, c'est quelqu'un dont on est maître ; |
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Ayons cela. Soyons aimé, non par un être |
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Grand et puissant, déesse ou dieu. Ceci n'est pas |
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La question. Aimons ! Cela suffit. Mes pas |
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Cessent d'être perdus si quelqu'un les regarde. |
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Ah ! vil monde, passants vagues, foule hagarde, |
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Sombre table de jeu, caverne sans rayons ! |
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Qu'est-ce que je viens faire à ce tripot, voyons ? |
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J'y bâille. Si de moi personne ne s'occupe, |
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Le sort est un escroc, et je suis une dupe. |
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J'aspire à me brûler la cervelle. Ah ! quel deuil ! |
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Quoi ! rien ! pas un soupir pour vous, pas un coup d'œil ! |
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Que le fuseau des jours lentement se dévide ! |
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Hélas ! comme le cœur est lourd quand il est vide ! |
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Comment porter ce poids énorme, le néant ? |
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Toute l'ombre est un trou de ténèbres, béant ; |
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Vous vous sentez tomber dans ce gouffre. Ah ! quand Dante |
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Livre à l'affreuse bise implacable et grondante |
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Françoise échevelée, un baiser éternel |
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La console, et l'enfer alors devient le ciel. |
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Mais quoi ! je vais, je viens, j'entre, je sors, je passe |
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Je meurs, sans faire rien remuer dans l'espace ! |
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N'avoir pas un atome à soi dans l'infini ! |
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Qu'est-ce donc que j'ai fait ? De quoi suis-je puni ? |
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Je ris, nul ne sourit ; je souffre, nul ne pleure ; |
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Cette chauve-souris de son aile m'effleure, |
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L'indifférence, blême habitante du soir. |
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Être aimé ! sous ce ciel bleu — moins souvent que noir — |
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Je ne sais que cela qui vaille un peu la peine |
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De mêler son visage à la laideur humaine, |
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Et de vivre. Ah ! pour ceux dont le cœur bat, pour ceux |
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Qui sentent un regard quelconque aller vers eux, |
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Pour ceux-là seulement, Dieu vit, et le jour brille ! |
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Qu'on soit aimé d'un gueux, d'un voleur, d'une fille, |
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D'un forçat jaune et vert sur l'épaule imprimé, |
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Qu'on soit aimé d'un chien, pourvu qu'on soit aimé ! |
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