Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1469
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
LA CORDE D'AIRAIN
XII
Le lionceau songeait ; il était tout petit, 12
Caché muet, pareil au chat qui se blottit, 12
Loin du soleil, dans l'ombre où les rayons s'émoussent. 12
Combien faut-il de temps pour que ses ongles poussent ? 12
Il songeait.
5 Laissez-moi vous dire que les rois,
Lugubres, font le mal ; foulent aux pieds les droits, 12
Les vérités, l'honneur, la vertu, la justice — 12
Ils font venir le prêtre afin qu'on rebâtisse 12
L'enfer dans l'âme humaine où Dieu mit la raison ; 12
10 Et leurs prospérités sont faites de façon 12
Que la gloire d'un peuple est la honte de l'autre ; 12
Leur grandeur dans les tas d'immondices se vautre, 12
Leurs sceptres aux plaisirs obscènes sont mêlés, 12
La bauge aux pourceaux plaît à ces paons étoilés ; 12
15 Hier, ils souffletaient lés nations meurtries ; 12
Gais, ils jouaient aux dés les robes des patries ; 12
A celui-ci le Nil, à celui-là le Rhin ; 12
Quand.ils ont sur leur front mis leur cimier d'airain, 12
Rien ne peut modérer leurs fureurs, peu calmées 12
20 Par des chansons d'église et des danses d'almées ; 12
Ils ont on ne sait quel appétit monstrueux 12
D'être horribles ; ils sont, les dragons tortueux, 12
Les hydres, les passants sinistres de l'histoire ; 12
Ils ont pour-eux le deuil, l'échafaud, la victoire, 12
25 Tout ce qui rampe et tremble ; et les rires hautains ; 12
La famine du peuple assiste à leurs festins ; 12
L'aurore est leur palais, l'ombre est leur forteresse, 12
Leur faux pouvoir devant l'éternel Dieu se dresse 12
Dans toute l'impudeur de sa rébellion ; 12
Ils,sont dorés, ils sont fangeux.
30 Grandis, lion !
logo du CRISCO logo de l'université