Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1445
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
VII
XXIII
XVI
LE CHANT DU VIEUX BERGER
Je suis vieux, mais, ô lauriers-roses, 8
Ô lys, cela n'empêche pas 8
Toutes sortes de tendres choses, 8
Toutes sortes de frais appas, 8
5 De s'épouser, rayons, haleines, 8
Dans les champs pleins de douces voix, 8
Et l'aube de dorer les plaines, 8
Et l'oiseau de chanter au bois. 8
Les fleurs écoutent la promesse 8
10 Du papillon ; la tiendra-t-il ? 8
Est-ce une orgie, est-ce une messe 8
Que ce radieux mois d'avril ? 8
Un vieux de plus dans la :nature, 8
Ce n'est que quelqu'un qui s'en va ; 8
15 Toujours, à la Sombre ouverture, 8
Chérubin lui-même arriva. 8
Je suis vieux ; mais pourvu que j'aime, 8
Je n'ai rien à me reprocher 8
Et l'abeille ira tout de même 8
20 Cajoler la fleur du pêcher. 8
Le vent fredonne, l'eau miroite, 8
Le gai lapin sort du terrier ; 8
La rose se tient toute droite 8
Comme une fille à marier. 8
25 Des couples dans l'ombre s'effacent, 8
Les grands chênes chassent le jour ; 8
Que voulez-vous que les, bois fassent 8
Si ce n'est de cacher l'amour ? 8
Les nids ont, l'arbre pour complice ; 8
30 L'amour prend les cœurs à sa glu ; 8
Il faut bien que tout s'accomplisse 8
Comme le bon Dieu l'a voulu. 8
Les feuilles sont les sœurs des ailes ; 8
Un bosquet c'est une cloison ; 8
35 Les bois sont complaisants aux belles, 8
Et je trouve qu'ils ont raison. 8
Aimons ! c'est ce qu'avril préfère. 8
Avec tous ses chiens sans colliers 8
Diane indignée a beau faire 8
40 Un bruit fauve au fond des halliers, 8
Cette grande vierge, farouche. 8
Perd son temps contre les amants ; 8
L'amour c'est la bouche, et la bouche, 8
C'est l'éclair qui fait des serments ; 8
45 Qu'importe Diane et ses dogues ! 8
Chloé trouve Atys éloquent. 8
Les bois aiment ces dialogues 8
Que ponctue un baiser fréquent. 8
La nature est l'immense alcôve ; 8
50 Et c'est ainsi que tout se perd, 8
Et c'est ainsi que tout se sauve ; 8
Cupidon, c'est l'enfant expert ; 8
Il est subtil, il est superbe ; 8
Vaste hymen providentiel ! 8
55 Les daims font l'idylle dans l'herbe, 8
L'aigle fait l'épopée au ciel. 8
On entend des murmures d'âmes ; 8
Toute l'ombre est un grand frisson ; 8
Et je sais encor l'air, mesdames, 8
60 Si je ne sais plus la chanson. 8
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