Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1355
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
VI
XII
J'étais le songeur qui pense, 7
Elle était l'oiseau qui fuit 7
Je l'adorais en silence, 7
Elle m'aimait à grand bruit. 7
5 Quand dans quelque haute sphère 7
Je croyais planer ,vainqueur, 7
Je l'entendais en bas faire 7
Du vacarme dans mon cœur. 7
Mais je reprenais mon songe 7
10 Et je l'adorais toujours, 7
Crédule au divin mensonge 7
Des roses et des amours. 7
Les profondeurs constellées, 7
L'aube, la lune qui naît, 7
15 Amour, me semblaient mêlées 7
Aux rubans de son bonnet. 7
Dieu pour moi ; sont-ce des fables ? 7
Avait mis dans sa beauté 7
Tous les frissons ineffables 7
20 De l'abîme volupté. 7
Je rêvais un ciel étrange 7
Pour notre éternel hymen. 7
— Qu'êtes-vous ? criais-je ; un ange ? 7
Moi ! disait-elle, un gamin. 7
25 Je sentais, âme saisie 7
Dans les cieux par un pinson, 7
S'effeuiller ma poésie 7
Que becquetait sa chanson. 7
Elle me disait : — Écoute, 7
30 C'est mal, tu me dis vous ! fi ! — 7
Et la main se donnait toute 7
Quand le gant m'aurait suffi. 7
Me casser pour elle un membre, 7
C'était mon désir parfois. 7
35 Un jour je vins dans sa chambre, 7
Nous devions aller au bois, 7
Je comptais la voir bien mise, 7
Chaste comme l'orient ; 7
Elle m'ouvrit en chemise, 7
40 Moi tout rouge,elle riant. 7
Je ne savais que lui dire, 7
Et je fus contraint d'oser ; 7
Je ne voulais qu'un sourire, 7
Il fallut prendre un baiser. 7
45 Et ma passion discrète 7
S'évanouit sans retour ; 7
C'est ainsi que l'amourette 7
Mit à la porte l'amour. 7
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