Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1342
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
VI
I
Lorsque ma main frémit si la tienne l'effleure, 12
Quand tu me vois pâlir, femme aux cheveux dorés, 12
Comme le premier jour, comme la première heure, 12
Rien qu'en touchant ta robe et ses plis adorés ; 12
5 Quand tu vois, que les mots me manquent pour te dire 12
Tout ce dont tu remplis mon sein tumultueux ; 12
Lorsqu'en me regardant tu sens que ton sourire 12
M'enivre par degrés et fait briller mes yeux ; 12
Quand ma voix, sous le feu de ta douce prunelle, 12
10 Tremble en ma bouche émue, impuissante à parler, 12
Comme un craintif oiseau, tout à coup pris par l'aile, 12
Qui frissonne éperdu, sans pouvoir s'envoler ; 12
Ô bel ange créé pour des sphères meilleures, 12
Dis, après tant de deuils, de désespoirs, d'ennuis, 12
15 Et tant d'amers chagrins et tant de tristes heures 12
Qui souvent font tes jours plus mornes que des nuits ; 12
Oh, dis ! ne sens-tu pas se lever dans ton âme 12
L'amour vrai, l'amour pur, adorable lueur, 12
L'amour, flambeau de l'homme, étoile de la femme, 12
20 Mystérieux soleil du monde intérieur ! 12
Ne sens-tu point, dis-moi, passer sur ta paupière 12
Le souffle du matin, des ténèbres vainqueur ? 12
Ne vient-il pas des voix tout bas te dire : espère ! 12
N'entends-tu pas un chant dans l'ombre de ton cœur ? 12
25 Oh ! recueille ce chant, âme blessée et fière ! 12
Cette aube qui se lève en toi, c'est le vrai jour. 12
Ne crains plus rien ! Dieu fit tes yeux pour la lumière, 12
Ton âme pour le ciel et ton cœur pour l'amour ! 12
Regarde rayonner sur ton destin moins sombre 12
30 Ce soleil de l'amour qui pour jamais te luit, 12
Qui, même après la mort brille, sorti de l'ombre, 12
Qui n'a pas de couchant et n'aura pas de nuit ! 12
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