Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1328
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
V
XXXIX
Je vais dans la fureur du gouffre, dans l'écume, 12
Pâle, écoutant les mots 6
Que disent, pleins d'horreur, la sibylle dans Cume 12
Et l'apôtre à Pathmos. 6
5 Quand je passe en cette ombre, où, fuyant la tempête, 12
Nul encor n'a passé, 6
L'abîme est sous mes pieds, la foudre est sur ma tête, 12
On dit : C'est l'insensé ! 6
Tandis que l'ouragan qui parfois semble rire, 12
10 Puis éclate en sanglots, 6
Joue avec les agrès comme avec une lyre, 12
Un chant noir sort des flots. 6
Et moi sur qui le deuil, la haine, la vieillesse, 12
L'onde et le vent trompeur, 6
15 S'acharnent, je poursuis mon chemin, et je laisse 12
Les autres avoir peur. 6
Pourtant vous ne pouvez empêcher que je songe, 12
Las du sort par moments, 6
Et de l'ombre que laisse aux âmes le mensonge 12
20 De tant d'événements. 6
Le destin m'a jeté de tempête en tempête, 12
De récif en récif ; 6
Jamais mon cœur saignant n'a fait courber ma tête ; 12
Mon courroux est pensif. 6
25 J'ai traversé les pleurs, les haines, les veuvages, 12
Ce qui mord, ce qui nuit. 6
Noir nocher, j'ai connu tous les âpres rivages 12
Du deuil et de la-nuit. 6
J'ai lutté ; j'ai subi la sinistre merveille 12
30 Des abîmes mouvants ; 6
Et jamais on ne vit dispersion pareille 12
D'une âme à tous les vents : 6
Je suis presque prophète et je suis presque apôtre ; 12
Je dis : C'est bien ! Allons ! 6
35 Mais je ne voudrais pas de ce sort pour un autre, 12
O fauves aquilons ! 6
H. H.
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