Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1302
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
V
XIII
Le bien germe parfois dans les ronces du mal. 12
Souvent, dans l'éden bleu de l'étrange idéal, 12
Que, frissonnant, sentant à peine que j'existe, 12
J'aperçois à travers mon humanité triste, 12
5 Comme par les barreaux d'un blême cabanon, 12
Je vois éclore, au fond d'une lueur sans nom, 12
De monstrueuses fleurs et d'effrayantes roses. 12
Je sens que par devoir j'écris toutes ces choses 12
Qui semblent, sur le fauve et tremblant parchemin, 12
10 Naître sinistrement de l'ombre de ma main. 12
Est-ce que par hasard, grande haleine insensée 12
Des prophètes, c'est toi qui troubles ma pensée ? 12
Où donc m'entraîne-t-on dans ce nocturne azur ? 12
Est-ce un ciel que je vois ? Est-ce le rêve obscur 12
15 Dont j'aperçois la porte ouverte toute grande ? 12
Est-ce que j'obéis ? est-ce que je commande ? 12
Ténèbres, suis-je en fuite ? est-ce moi qui poursuis ? 12
Tout croule ; je ne sais par moments si je suis 12
Le cavalier terrible ou le cheval farouche ; 12
20 J'ai le sceptre à la main et le mors dans la bouche ; 12
Ouvrez-vous que je passe, abîmes, gouffre bleu, 12
Gouffre noir ! Tais-toi, foudre ! Où me mènes-tu, Dieu ? 12
Je suis la volonté, mais je suis le délire. 12
O vol dans l'infini ! J'ai beau par instants dire 12
25 Comme Jésus criant Lamma Sabacthani 12
Le chemin est-il long encore ? est ce fini, 12
Seigneur ? permettrez-vous bientôt que je m'endorme ? 12
L'Esprit fait ce qu'il veut. Je sens le souffle énorme 12
Que sentit Élisée et qui le souleva ; 12
30 Et j'entends dans la nuit quelqu'un qui me dit : Va ! 12
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