Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1300
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
V
XI
Le couchant flamboyait à travers les bruines 12
Comme le fronton d'or d'un vieux temple en ruines. 12
L'arbre avait un frisson. 6
La mer au loin semblait, en ondes recourbée, 12
5 Une colonne torse en marbre vert, tombée 12
Sur l'énorme horizon. 6
La vague, roue errante, et l'écume, cavale, 12
S'enfuyaient ; je voyais luire par intervalle 12
Les cieux pleins de regards ; 6
10 Les flots allaient, venaient, couraient ; sans fin,-sans nombre, 12
Et j'écoutais, penché sur ce cirque de l'ombre, 12
Le bruit de tous ces chars. 6
Lugubre immensité ! profondeurs redoutées ! 12
Tous sont là, les Satans comme les Prométhées. 12
15 Ténébreux océans ! 6
Cieux, vous êtes l'abîme où tombent les génies. 12
Oh ! combien l'œil, au fond des brumes infinies, 12
Aperçoit de géants ! 6
Ô vie, énigme, sphinx, nuit, sois la bienvenue ! 12
20 Car je me sens d'accord avec l'Âme inconnue. 12
Je souffre, mais je crois. 6
J'habite l'absolu, patrie obscure et sombre, 12
Pas plus intimidé dans tous ces gouffres d'ombre 12
Que l'oiseau dans les bois. 6
25 Je songe, l'œil fixé sur l'incompréhensible. 12
Le zénith est fermé. Les justes sont la cible 12
Du mensonge effronté ; 6
Le bien, qui semble aveugle, a le mal pour ministre, 12
Mais, rassuré, je vois sous la porte sinistre 12
30 La fente de clarté. 6
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