Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1240
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
LVII
Souffrance, es-tu la loi du monde ? 8
L'homme vient triste et s'en va nu ; 8
Il naît débile et meurt immonde ; 8
Es-tu le fond de l'inconnu ? 8
5 Les grêles, les foudres, les trombes ; 8
Les marteaux meurtrissant les clous ; 8
Le grain dans le bec des colombes, 8
L'agneau dans la gueule des loups ; 8
Le tigre ayant l'horreur secrète 8
10 De sa propre férocité ; 8
Le lion, fauve anachorète 8
Qui hurle dans l'immensité ; 8
L'enfant qui meurt, âme qui sombre ; 8
Le lys qu'on fauche, à peine éclos ; 8
15 Les marins qu'engloutit dans l'ombre 8
La bave sinistre des flots ; 8
Partout les embûches funèbres, 8
Le glaive, la griffe, la dent ; 8
Des yeux fixés dans les ténèbres ; 8
20 Le crime guettant et rôdant 8
L'abeille que chasse la guêpe ; 8
La guerre battant du tambour ; 8
Un horizon voilé d'un crêpe, 8
Où croît l'ombre, où décroît l'amour ; 8
25 Les discordes qui se répandent ; 8
Caïn, Nemrod, Néron, Macbeth ; 8
Tous les cœurs des hommes qui pendent 8
À la haine, ce grand gibet ; 8
Le doute qui sort de la tombe, 8
30 Et, du haut du ciel sans clarté, 8
Semble un soir éternel gui tombe 8
Sur la lugubre humanité ; 8
Toutes ces douleurs, est-ce l'ordre ? 8
L'air du sépulcre emplit les cieux, 8
35 Et sur l'abîme on voit se tordre, 8
La nuit, des bras mystérieux. 8
Et toutes ces choses farouches 8
Disent cette plainte à la fois, 8
Et de toutes ces sombres bouches 8
40 On entend sortir cette voix : 8
— Dieu ! qu'a donc fait la créature, 8
Et pourquoi l'être est-il puni ? — 8
C'est le grand cri de la nature 8
Dans le grand deuil de l'infini. 8
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