Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1224
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
XLI
À OL.
Oh dis ! pourquoi toujours regarder sous la terre, 12
Interroger la tombe et chercher dans la nuit ? 12
Et toujours écouter, penché sur une pierre, 12
Comme espérant un bruit ? 6
5 T'imagines-tu donc que ceux que nous pleurâmes 12
Sont là couchés sous l'herbe attentifs à nos pas ? 12
Crois-tu donc que c'est là qu'on retrouve les âmes ? 12
Songeur, ne sais-tu pas 6
Que Dieu n'a pas voulu, lui qui règne et dispose, 12
10 Que la flamme restât quand s'éteint le flambeau, 12
Et que l'homme jamais pût mettre quelque chose, 12
Hélas ! dans le tombeau ! 6
Ne sais-tu pas que, l'âme une fois délivrée, 12
Les fosses, dévorant les morts qu'on enfouit, 12
15 Se remplissent d'une ombre effrayante et sacrée 12
Où tout s'évanouit ! 6
Tu te courbes en vain, dans ta douleur amère, 12
Sur le sépulcre noir plein des jours révolus, 12
Redemandant ta fille, et ton père, et ta mère, 12
20 Et ceux qui ne sont plus ! 6
Tu te courbes en vain. Ainsi que sous la vague 12
Un plongeur se fatigue à chercher des trésors, 12
Tu tâches d'entrevoir quelque figure vague 12
De ce que font les morts. 6
25 Rien ne brille pour toi, sombre tête baissée ; 12
La tombe est morne, et close au regard curieux ; 12
Tu n'as plus un rayon qui luise en ta pensée. 12
Songeur, lève les yeux ! 6
Lève les yeux ! renonce à sonder : la poussière ; 12
30 Fais envoler ton âme en ce firmament bleu, 12
Regarde dans l'azur, cherche dans la lumière, 12
Et surtout crois en Dieu ! 6
Crois en celui dont tout répète les louanges ! 12
Crois en l'éternité qui nous ouvre les bras ! 12
35 Appelle le Seigneur, demande-lui tes anges, 12
Et tu les reverras ! 6
Oui, même dès ce monde où pleure ta misère, 12
En élevant toujours ton cœur rempli d'espoir, 12
Sans t'en aller d'ici ; sans qu'il soit Nécessaire 12
40 De mourir pour les voir, 6
Parce qu'en méditant la foi s'accroît sans cesse, 12
Parce qu'à l'œil croyant le ciel s'ouvre éclairci, 12
Un jour tu t'écrieras tout à coup, plein d'ivresse 12
O mon Dieu ! les voici ! 6
45 Et tu retrouveras, ô pauvre âme ravie ! 12
Une ombre du bonheur de ton passé joyeux 12
Dans ces fantômes chers, qui charmèrent ta vie 12
Et qui sont dans les cieux ! 6
Comme à l'heure où la plaine au loin se décolore, 12
50 Quand le soir assombrit le jour pâle et décru, 12
Là-haut, dans la nuée, on peut revoir encore 12
Le soleil disparu. 6
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