Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1218
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
XXXV
CONTEMPLATION, CONSOLATION
Que la douleur est courte et vite évanouie ! 12
Hélas ! sitôt qu'une ombre en terre est enfouie, 12
Vers cet être éclipsé qui jadis rayonna, 12
Nul ne se tourne plus. Le premier soin qu'on a 12
5 C'est de se délivrer de la mémoire chère. 12
Dehors ce mendiant ! L'un rit, fait bonne chère, 12
Et dit : Buvons, mangeons, vivons ! c'est le réel. 12
L'autre endort son regret en regardant le ciel, 12
Admire et songe, esprit flottant à l'aventure, 12
10 Et fait évaporer ses pleurs dans la nature. 12
L'homme, que le chagrin ne peut longtemps plier, 12
Passe ; tout nous est bon, hélas ! pour oublier ; 12
La contemplation berce, apaise et console ; 12
Le cœur laisse, emporté par l'aile qui l'isole, 12
15 Tomber les souvenirs en montant dans l'azur ; 12
Le tombeau le plus cher n'est plus qu'un point obscur. 12
Ceux qui vivent chantant, riant sans fin ni trêve, 12
Ont bien vite enterré leurs morts ; celui qui rêve 12
N'est pas un meilleur vase à conserver le deuil ; 12
20 La nature emplit l'âme en éblouissant l'œil ; 12
Et l'araignée oublie, quand elle tend sa toile, 12
D'un bout l'attache à l'homme et de l'autre à l'étoile. 12
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