Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1197
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
III
XIV
Parce que tu ne sais, toi l'homme, ce que font 12
Les choses en travail dans l'univers profond, 12
Ténèbres et chaos que traversent des gloires ; 12
Parce que tu ne sais où vont les forces noires, 12
5 Les effluves, les gaz, les foudres ; les aimants, 12
Les principes cachés au fond des éléments ; 12
Parce qu'en même temps, suivant ta propre trace, 12
Bâtissant pas à pas le progrès de ta race, 12
Mettant pierre sur pierre, aujourd'hui sur demain, 12
10 Tu vois distinctement ton petit but humain ; 12
Tu prends l'impénétrable en pitié, tu confrontes 12
Cette obscurité, sourde à tes œuvres si promptes ; 12
Tu t'admires, tu dis : — j'entreprends ; mais, du moins, 12
Je veux, j'achève, et j'ai mes travaux pour témoins ; 12
15 Je ne perds pas l'haleine et l'effort ! — Et tu railles 12
L'infini, l'invisible, effrayantes murailles ; 12
Et, noircissant les cieux avec ton vil charbon ; 12
Ta main hautaine écrit sur l'abîme : à quoi bon ? 12
Tu couvres l'Inconnu de ton dédain immense. 12
20 — Ô nature, à quoi bon toute cette démence, 12
Ces ondes, ces courants, ce trouble aérien, 12
Et la matière en proie aux tourmentes pour rien ? 12
À quoi bon tes vieux monts, Alpes et Cordillères ? 12
Quel temple as-tu construit avec ces tas de pierres ? 12
25 Ton torrent ne vaut pas mon moindre portefaix ; 12
Compare ton nuage aux dômes que je fais, 12
Compare ta fumée à ma colonne torse ; 12
Pourquoi cette dépense inutile de force ? 12
Que sert la cataracte ? à quoi bon le volcan ? 12
30 Et ton soufflet de forge insulte l'ouragan ! 12
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