Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1167
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
II
XXXIII
Dans les ravins la route oblique 8
Fuit… — Il voit luire au-dessus d'eux 8
Le ciel sinistre et métallique 8
À travers des arbres hideux. 8
5 Des êtres rôdent sur les rives ; 8
Le nénuphar nocturne éclôt ; 8
Des agitations furtives 8
Troublent l'herbe, rident le flot. 8
Les larges estompes de l'ombre, 8
10 Mêlant les lueurs et les eaux, 8
Ébauchent dans la plaine sombre 8
L'aspect monstrueux du chaos. 8
Voici que les spectres se dressent. 8
D'où sortent-ils ? que veulent-ils ? 8
15 Dieu ! de toutes parts apparaissent 8
Toutes sortes d'affreux profils ! 8
Il marche. Les heures sont lentes. 8
Il voit là-haut tout en marchant 8
S'allumer ces pourpres sanglantes, 8
20 Splendeurs lugubres du couchant. 8
Au loin, une cloche, une enclume, 8
Jettent-dans l'air leurs faibles coups. 8
À ses pieds flotte dans la brume 8
Le paysage immense et doux. 8
25 Tout s'éteint. L'horizon recule. 8
Il regarde en ce lointain noir 8
Se former dans le crépuscule 8
Les vagues figures du soir. 8
La plaine, qu'une brise effleure, 8
30 Ajoute, ouverte au vent des nuits, 8
À la solennité de l'heure 8
L'apaisement de tous les bruits. 8
À peine, ténébreux murmures, 8
Entend-on, dans l'espace mort, 8
35 Les palpitations obscures 8
De ce qui veillé quand tout dort. 8
Les broussailles, les grès, les ormes, 8
Le vieux saule, le pan de mur, 8
Deviennent les contours difformes 8
40 De je ne sais quel monde obscur. 8
L'insecte aux nocturnes élytres 8
Imite le cri des sabbats. 8
Les étangs sont comme des vitres 8
Par où l'on voit le ciel d'en bas. 8
45 Par degrés, monts, forêts, cieux, terre, 8
Tout prend l'aspect terrible et grand 8
D'un monde entrant dans un mystère, 8
D'un navire dans l'ombre entrant. 8
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