Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1165
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
II
XXXI
Cette création, t'a semblée immortelle, 12
Meurt ; mais comment naît-elle ? et comment finit-elle ? 12
Oh ! quel-œil sombre a vu des mondes expirer ? 12
Vers le cloaque noir qui doit les engouffrer 12
5 Ils voguent presque éteints, ils descendent ; ils roulent ; 12
Des flots d'éternité sur leurs orbes s'écroulent ; 12
Et l'agonie affreuse en ses exhalaisons 12
Engloutit lentement leurs vagues horizons ; 12
Ils passent effrayants dans des lueurs livides ; 12
10 Ils semblent, dans l'horreur des immensités vides, 12
Des coques de vaisseaux monstrueux dérivant 12
Sous on ne sait quel fauve et lamentable vent, 12
Des crânes de géants, des têtes foudroyées ; 12
Leurs-sinistres rondeurs flottent, demi-noyées ; 12
15 L'impulsion qui prend ce qui n'est plus vivant 12
Et qui chasse la larve et la cendre en avant, 12
Pousse vers le néant ces tragiques masures ; 12
Ils perdent, comme on perd le sang par ses blessures, 12
Les éléments de l'être en dissolution ; 12
20 La mort blême sur eux plane, sombre alcyon ; 12
Et, dans l'obscurité qui, sous l'immense brume, 12
Les couvre de sa noire et formidable écume, 12
Comme des naufragés qui de l'esquif profond, 12
Pâles, l'un après l'autre, à la nage s'en vont, 12
25 Le temps, le jour, l'espace, et la forme, et le nombre, 12
Quittent lugubrement ces épaves de l'ombre. 12
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