Métrique en Ligne
HUG_24/HUG1125
Victor HUGO
TOUTE LA LYRE
1888-1893
I
XXXI
Qu'était-ce que l'enfant ? qu'était-ce que la mère ? 12
Je l'ignorais. C'était la saison éphémère 12
Qui nous enchante ; et n'a qu'un défaut, durer peu, 12
Avril. De ma mansarde, entr'ouverte au ciel bleu, 12
5 Je regardais, à l'heure où le jour vient de naître, 12
Une femme tournant le dos à la fenêtre, 12
Assise sur son lit, un enfant dans ses bras ; 12
Je devinais l'enfant, je ne le voyais pas, 12
Tant ils étaient tous deux serrés l'un contre l'autre. 12
10 Malheur au faible ! ô sombre horizon que le nôtre ! 12
Cette femme était là seule, en ce bouge étroit. 12
Elle avait un enfant ; mais avait-elle un toit ? 12
Était-elle, humble plante et rose infortunée, 12
Livrée à ce vent noir qu'on nomme destinée, 12
15 Qui brise au haut des monts le cèdre et le sapin ? 12
Avait-elle du lait ? avait-elle du pain ? 12
De quoi manger ? de quoi nourrir ? poignant problème ! 12
Nos lois sont les carcans de la misère blême. 12
Avait-elle un amant ? avait-elle un mari ? 12
20 Qu'un rameau soit flétri parce qu'il est fleuri, 12
C'est triste, et c'est, hélas, souvent le sort des femmes ! 12
Ce vil monde punit l'éclosion des âmes. 12
Elle semblait rêver sous un nuage obscur ; 12
Elle ne parlait pas et regardait son mur ; 12
25 Moi j'étais dans l'aurore, elle dans les ténèbres ; 12
Et je ne distinguais, dans ces ombres funèbres, 12
De ce double destin entrevu vaguement, 12
Rien que deux petits bras pressant un cou charmant. 12
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