Métrique en Ligne
HUG_23/HUG1059
Victor HUGO
LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT
1881
III
LE LIVRE LYRIQUE
— LA DESTINÉE —
XXXVI
Oh ! Quoique je sois, sur la grève, 8
Le flocon d’écume qui fuit, 8
Quoique je n’aie en moi qu’un rêve, 8
Quoique je sois poussière et nuit, 8
5 Quoique je sois un peu de boue, 8
Un ver parmi les vers humains, 8
Écrasé par ces tours de roue 8
Qu’on appelle les lendemains, 8
Quoique le mal m’ait dans sa serre, 8
10 Quoique je sois nu, faible, obscur, 8
Quoique je sois fait de misère 8
Et que tu sois faite d’azur, 8
Sans fléchir dans ta confiance, 8
Sans te rebuter dans ta foi, 8
15 Sainte servante, conscience 8
Tu vas dans l’ombre devant moi ! 8
Tu vas devant moi, toujours prête, 8
Et tu me montres le chemin ; 8
Le voile du sort sur ta tête, 8
20 La lampe de Dieu dans ta main ! 8
Tu me dis : ― Ta croix te réclame. 8
Debout ! C’est ailleurs qu’on s’assied. ― 8
Tu me dis : ― Cache ici ton âme. 8
Tu me dis : ― Pose ici ton pied. 8
25 Tu dis : ― La tristesse est meilleure. 8
L’ombre et le deuil sont nos amis. ― 8
Et tu souris lorsque je pleure, 8
Et tu chantes quand je gémis. 8
Tu m’éclaires, calme et ravie, 8
30 Marche à marche, avec ton flambeau, 8
Toutes les douleurs de la vie, 8
Sombre descente du tombeau. 8
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