LIVRE SIXIÈME |
AU BORD DE L'INFINI |
XX |
Relligio |
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L'ombre venait ; le soir tombait, calme et terrible. |
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Hermann me dit : — Quelle est ta foi, quelle est ta bible ? |
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Parle. Es-tu ton propre géant ? |
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Si tes vers ne sont pas de vains flocons d'écume, |
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Si ta strophe n'est pas un tison noir qui fume |
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Sur le tas de cendre Néant, |
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Si tu n'es pas une âme en l'abîme engloutie, |
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Quel est donc ton ciboire et ton eucharistie ? |
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Quelle est donc la source où tu bois ? — |
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Je me taisais ; il dit : — Songeur qui civilises, |
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Pourquoi ne vas-tu pas prier dans les églises ? — |
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Nous marchions tous deux dans les bois. |
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Et je lui dis : — Je prie. — Hermann dit : — Dans quel temple ? |
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Quel est le célébrant que ton âme contemple, |
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Et l'autel qu'elle réfléchit ? |
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Devant quel confesseur la fais-tu comparaître ? |
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— L'église, c'est l'azur, lui dis-je ; et quant au prêtre… — |
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En ce moment le ciel blanchit. |
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La lune à l'horizon montait, hostie énorme ; |
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Tout avait le frisson, le pin, le cèdre et l'orme, |
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Le loup, et l'aigle, et l'alcyon ; |
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Lui montrant l'astre d'or sur la terre obscurcie, |
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Je lui dis : — Courbe-toi. Dieu lui-même officie, |
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Et voici l'élévation. |
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Marine-Terrace,
octobre 1855.
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