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HUG_2/HUG535
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE SIXIÈME
AU BORD DE L'INFINI
II
Ibo
Dites, pourquoi, dans l'insondable 8
Au mur d'airain, 4
Dans l'obscurité formidable 8
Du ciel serein, 4
5 Pourquoi, dans ce grand sanctuaire 8
Sourd et béni, 4
Pourquoi, sous l'immense suaire 8
De l'infini, 4
Enfouir vos lois éternelles 8
10 Et vos clartés ? 4
Vous savez bien que j'ai des ailes, 8
O vérités ! 4
Pourquoi vous cachez-vous dans l'ombre 8
Qui nous confond ? 4
15 Pourquoi fuyez-vous l'homme sombre 8
Au vol profond ? 4
Que le mal détruise ou bâtisse, 8
Rampe ou soit roi, 4
Tu sais bien que j'irai, Justice, 8
20 J'irai vers toi ! 4
Beauté sainte, Idéal qui germes 8
Chez les souffrants, 4
Toi par qui les esprits sont fermes 8
Et les cœurs grands, 4
25 Vous le savez, vous que j'adore, 8
Amour, Raison, 4
Qui vous levez comme l'aurore 8
Sur l'horizon, 4
Foi, ceinte d'un cercle d'étoiles, 8
30 Droit, bien de tous, 4
J'irai, Liberté qui te voiles, 8
J'irai vers vous ! 4
Vous avez beau, sans fin, sans borne, 8
Lueurs de Dieu, 4
35 Habiter la profondeur morne 8
Du gouffre bleu, 4
Âme à l'abîme habituée 8
Dès le berceau, 4
Je n'ai pas peur de la nuée ; 8
40 Je suis oiseau. 4
Je suis oiseau comme cet être 8
Qu'Amos rêvait, 4
Que saint Marc voyait apparaître 8
À son chevet, 4
45 Qui mêlait sur sa tête fière, 8
Dans les rayons, 4
L'aile de l'aigle à la crinière 8
Des grands lions. 4
J'ai des ailes. J'aspire au faîte ; 8
50 Mon vol est sûr ; 4
J'ai des ailes pour la tempête 8
Et pour l'azur. 4
Je gravis les marches sans nombre. 8
Je veux savoir ; 4
55 Quand la science serait sombre 8
Comme le soir ! 4
Vous savez bien que l'âme affronte 8
Ce noir degré, 4
Et que, si haut qu'il faut qu'on monte, 8
60 J'y monterai ! 4
Vous savez bien que l'âme est forte 8
Et ne craint rien 4
Quand le souffle de Dieu l'emporte ! 8
Vous savez bien 4
65 Que j'irai jusqu'aux bleus pilastres, 8
Et que mon pas, 4
Sur l'échelle qui monte aux astres, 8
Ne tremble pas ! 4
L'homme, en cette époque agitée, 8
70 Sombre océan, 4
Doit faire comme Prométhée 8
Et comme Adam. 4
Il doit ravir au ciel austère 8
L'éternel feu ; 4
75 Conquérir son propre mystère, 8
Et voler Dieu. 4
L'homme a besoin, dans sa chaumière, 8
Des vents battu, 4
D'une loi qui soit sa lumière 8
80 Et sa vertu. 4
Toujours ignorance et misère ! 8
L'homme en vain fuit, 4
Le sort le tient ; toujours la serre ! 8
Toujours la nuit ! 4
85 Il faut que le peuple s'arrache 8
Au dur décret, 4
Et qu'enfin ce grand martyr sache 8
Le grand secret ! 4
Déjà l'amour, dans l'ère obscure 8
90 Qui va finir, 4
Dessine la vague figure 8
De l'avenir. 4
Les lois de nos destins sur terre, 8
Dieu les écrit ; 4
95 Et, si ces lois sont le mystère, 8
Je suis l'esprit. 4
Je suis celui que rien n'arrête, 8
Celui qui va, 4
Celui dont l'âme est toujours prête 8
100 À Jéhovah ; 4
Je suis le poëte farouche, 8
L'homme devoir, 4
Le souffle des douleurs, la bouche 8
Du clairon noir ; 4
105 Le rêveur qui sur ses registres 8
Met les vivants, 4
Qui mêle des strophes sinistres 8
Aux quatre vents ; 4
Le songeur ailé, l'âpre athlète 8
110 Au bras nerveux, 4
Et je traînerais la comète 8
Par les cheveux. 4
Donc, les lois de notre problème, 8
Je les aurai ; 4
115 J'irai vers elles, penseur blême, 8
Mage effaré ! 4
Pourquoi cacher ces lois profondes ? 8
Rien n'est muré. 4
Dans vos flammes et dans vos ondes 8
120 Je passerai ; 4
J'irai lire la grande bible ; 8
J'entrerai nu 4
Jusqu'au tabernacle terrible 8
De l'inconnu, 4
125 Jusqu'au seuil de l'ombre et du vide, 8
Gouffres ouverts 4
Que garde la meute livide 8
Des noirs éclairs, 4
Jusqu'aux portes visionnaires 8
130 Du ciel sacré ; 4
Et, si vous aboyez, tonnerres, 8
Je rugirai. 4
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