Métrique en Ligne
HUG_2/HUG520
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome II
AUJOURD'HUI
1845-1855
LIVRE CINQUIÈME
EN MARCHE
XIII
Paroles sur la dune
Maintenant que mon temps décroît comme un flambeau, 12
Que mes tâches sont terminées ; 8
Maintenant que voici que je touche au tombeau 12
Par les deuils et par les années, 8
5 Et qu'au fond de ce ciel que mon essor rêva, 12
Je vois fuir, vers l'ombre entraînées, 8
Comme le tourbillon du passé qui s'en va, 12
Tant de belles heures sonnées ; 8
Maintenant que je dis : — Un jour, nous triomphons ; 12
10 Le lendemain, tout est mensonge ! — 8
Je suis triste, et je marche au bord des flots profonds, 12
Courbé comme celui qui songe. 8
Je regarde, au-dessus du mont et du vallon, 12
Et des mers sans fin remuées, 8
15 S'envoler sous le bec du vautour aquilon, 12
Toute la toison des nuées ; 8
J'entends le vent dans l'air, la mer sur le récif, 12
L'homme liant la gerbe mûre ; 8
J'écoute, et je confronte en mon esprit pensif 12
20 Ce qui parle à ce qui murmure ; 8
Et je reste parfois couché sans me lever 12
Sur l'herbe rare de la dune, 8
Jusqu'à l'heure où l'on voit apparaître et rêver 12
Les yeux sinistres de la lune. 8
25 Elle monte, elle jette un long rayon dormant 12
À l'espace, au mystère, au gouffre ; 8
Et nous nous regardons tous les deux fixement, 12
Elle qui brille et moi qui souffre. 8
Où donc s'en sont allés mes jours évanouis ? 12
30 Est-il quelqu'un qui me connaisse ? 8
Ai-je encor quelque chose en mes yeux éblouis, 12
De la clarté de ma jeunesse ? 8
Tout s'est-il envolé ? Je suis seul, je suis las ; 12
J'appelle sans qu'on me réponde ; 8
35 O vents ! ô flots ! ne suis-je aussi qu'un souffle, hélas ! 12
Hélas ! ne suis-je aussi qu'une onde ? 8
Ne verrai-je plus rien de tout ce que j'aimais ? 12
Au dedans de moi le soir tombe. 8
O terre, dont la brume efface les sommets, 12
40 Suis-je le spectre, et toi la tombe ? 8
Ai-je donc vidé tout, vie, amour, joie, espoir ? 12
J'attends, je demande, j'implore ; 8
Je penche tour à tour mes urnes pour avoir 12
De chacune une goutte encore ! 8
45 Comme le souvenir est voisin du remord ! 12
Comme à pleurer tout nous ramène ! 8
Et que je te sens froide en te touchant, ô mort, 12
Noir verrou de la porte humaine ! 8
Et je pense, écoutant gémir le vent amer, 12
50 Et l'onde aux plis infranchissables ; 8
L'été rit, et l'on voit sur le bord de la mer 12
Fleurir le chardon bleu des sables. 8
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