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J'ajoute un post-scriptum après neuf ans. J'écoute ; |
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Êtes-vous toujours là ? Vous êtes mort sans doute, |
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Marquis ; mais d'où je suis on peut parler aux morts. |
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Ah ! votre cercueil s'ouvre : — Où donc es-tu ? — Dehors. |
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Comme vous. — Es-tu mort ? — Presque. J'habite l'ombre ; |
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Je suis sur un rocher qu'environne l'eau sombre, |
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Écueil rongé des flots, de ténèbres chargé, |
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Où s'assied, ruisselant, le blême naufragé. |
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— Eh bien, me dites-vous après ? — La solitude |
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Autour de moi toujours a la même attitude ; |
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Je ne vois que l'abîme, et la mer, et les cieux, |
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Et les nuages noirs qui vont silencieux ; |
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Mon toit, la nuit, frissonne, et l'ouragan le mêle |
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Aux souffles effrénés de l'onde et de la grêle ; |
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Quelqu'un semble clouer un crêpe à l'horizon ; |
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L'insulte bat de loin le seuil de ma maison ; |
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Le roc croule sous moi dès que mon pied s'y pose ; |
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Le vent semble avoir peur de m'approcher, et n'ose |
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Me dire qu'en baissant la voix et qu'à demi |
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L'adieu mystérieux que me jette un ami. |
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La rumeur des vivants s'éteint diminuée. |
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Tout ce que j'ai rêvé s'est envolé, nuée ! |
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Sur mes jours devenus fantômes, pâle et seul, |
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Je regarde tomber l'infini, ce linceul. — |
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Et vous dites : — Après ? — Sous un mont qui surplombe, |
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Près des flots, j'ai marqué la place de ma tombe ; |
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Ici, le bruit du gouffre est tout ce qu'on entend ; |
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Tout est horreur et nuit. — Après ? — Je suis content. |
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