Métrique en Ligne
HUG_17/HUG348
Victor HUGO
CHÂTIMENTS
1853
LIVRE IV
LA RELIGION EST GLORIFIÉE
X
AUBE
Un immense frisson émeut la plaine obscure. 12
C'est l'heure où Pythagore, Hésiode, Épicure, 12
Songeaient ; c'est l'heure où, las d'avoir, toute la nuit, 12
Contemplé l'azur sombre et l'étoile qui luit, 12
5 Pleins d'horreur, s'endormaient les pâtres de Chaldée. 12
Là-bas, la chute d'eau, de mille plis ridée, 12
Brille, comme dans l'ombre un manteau de satin ; 12
Sur l'horizon lugubre apparaît le matin, 12
Face rose qui rit avec des dents de perles ; 12
10 Le bœuf rêve et mugit, les bouvreuils et les merles 12
Et les geais querelleurs sifflent, et dans les bois 12
On entend s'éveiller confusément les voix ; 12
Les moutons hors de l'ombre, à travers les bourrées, 12
Font bondir au soleil leurs toisons éclairées ; 12
15 Et la jeune dormeuse, entr'ouvrant son œil noir, 12
Fraîche, et ses coudes blancs sortis hors du peignoir, 12
Cherche de son pied nu sa pantoufle chinoise. 12
Louange à Dieu ! toujours, après la nuit sournoise, 12
Agitant sur les monts la ronce et le genêt, 12
20 La nature superbe et tranquille renaît ; 12
L'aube éveille le nid à l'heure accoutumée, 12
Le chaume dresse au vent sa plume de fumée, 12
Le rayon, flèche d'or, perce l'âpre forêt ; 12
Et plutôt qu'arrêter le soleil, on ferait 12
25 Sensibles à l'honneur et pour le bien fougueuses 12
Les âmes de Baroche et de Troplong, ces gueuses ! 12
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