Métrique en Ligne
HUG_16/HUG232
Victor HUGO
LES VOIX INTÉRIEURES
1837
PENDANT QUE LA FENÊTRE
ÉTAIT OUVERTE
IX
Poète, ta fenêtre était ouverte au vent, 12
Quand celle à qui tout bas ton cœur parle souvent 12
Sur ton fauteuil posait sa tête : 8
— « Oh ! disait-elle, ami, ne vous y fiez pas ! 12
5 Parce que maintenant, attachée à vos pas, 12
Ma vie à votre ombre s'arrête ; 8
Parce que mon regard est fixé sur vos yeux ; 12
Parce que je n'ai plus de sourire joyeux 12
Que pour votre grave sourire ; 8
10 Parce que, de l'amour me faisant un linceul, 12
Je vous offre mon cœur comme un livre où vous seul 12
Avez encor le droit d'écrire ; 8
Il n'est pas dit qu'enfin je n'aurai pas un jour 12
La curiosité de troubler votre amour 12
15 Et d'alarmer votre œil sévère, 8
Et l'inquiet caprice et le désir moqueur 12
De renverser soudain la paix de votre cœur 12
Comme un enfant renverse un verre ! 8
Hommes, vous voulez tous qu'une femme ait longtemps 12
20 Des fiertés, des hauteurs, puis vous êtes contents, 12
Dans votre orgueil que rien ne brise, 8
Quand, aux feux de l'amour qui rayonne sur nous, 12
Pareille à ces fruits verts que le soleil fait doux, 12
La hautaine devient soumise ! 8
25 Aimez-moi d'être ainsi ! — Ces hommes, ô mon roi, 12
Que vous voyez passer si froids autour de moi, 12
Empressés près des autres femmes, 8
Je n'y veux pas songer, car le repos vous plaît ; 12
Mais mon œil endormi ferait, s'il le voulait, 12
30 De tous ces fronts jaillir des flammes ! » 8
Elle parlait, charmante et fière et tendre encor, 12
Laissant sur le dossier de velours à clous d'or 12
Déborder sa manche traînante ; 8
Et toi tu croyais voir à ce beau front si doux 12
35 Sourire ton vieux livre ouvert sur tes genoux, 12
Ton Iliade rayonnante ! 8
Beau livre que souvent vous lisez tous les deux ! 12
Elle aime comme toi ces combats hasardeux 12
Où la guerre agite ses ailes. 8
40 Femme, elle ne hait pas, en t'y voyant rêver, 12
Le poète qui chante Hélène, et fait lever 12
Les plus vieux devant les plus belles. 8
Elle vient là, du haut de ses jeunes amours, 12
Regarder quelquefois dans le flot des vieux jours 12
45 Quelle ombre y fait cette chimère ; 8
Car, ainsi que d'un mont tombe de vivent eaux, 12
Le passé murmurant sort et coule à ruisseaux 12
De ton flanc, ô géant Homère ! 8
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