Métrique en Ligne
HUG_15/HUG4
Victor HUGO
PREMIÈRES PUBLICATIONS
(à l'exception des pièces recueillies dans les Odes et Ballades)
1819-1820
L'AVARICE ET L'ENVIE
CONTE
L'Avarice et l'Envie, à la marche incertaine, 12
Un jour s'en allaient par la plaine 8
Chez un méchant ou chez un fou, 8
Chez vous ou chez quelqu'autre, ou chez moi-même… En somme 12
5 Elles allaient je ne sais où, 8
Comme le héron du bonhomme. 8
Bien que sœurs, ces monstres hideux 8
Ne s'aiment pas ; aussi, tout le long de la route, 12
Sans se parler, ils cheminaient tous deux. 10
10 L'Avarice, le dos en voûte, 8
Examinait ce coffre hasardeux 10
Pour qui sans cesse elle redoute. 8
L'Envie aussi l'examinait sans doute. 10
Comptant tous les écus dans son coffre entassés, 12
15 Chemin faisant, dame Avarice 8
Se répétait pour son supplice : 8
« Je n'en ai point encore assez ! » 8
De son côté, l'Envie au regard louche, 10
Lorgnant cet or, objet de tous ses soins, 10
20 Disait, en se tordant la bouche : 8
« Elle en a trop, car j'en ai moins. » 8
Chacune, à sa façon, méditait sur ce coffre : 12
Désir soudain à leurs yeux s'offre, 8
Désir, ce dieu puissant, qui seul peut exaucer 12
25 Tous les souhaits qu'on lui veut adresser. 10
Désir dit aux deux sœurs : « Mesdames, 8
» Je suis galant, vous êtes femmes, 8
» Choisissez donc tout ce qu'il vous plaira, 10
» Trésors, honneurs, et cætera ; 8
30 » Surtout, expliquons-nous sans trouble 8
La première qui parlera 8
» Aura tout ce qu'elle voudra 8
» La seconde en aura le double. » 8
Vous jugez dans quel embarras 8
35 Ce discours mit nos deux luronnes ; 8
Avares, envieux, que faire en un tel cas ? 12
Chacune des deux sœurs en murmura tout bas : 12
« Que me font, ô Désir ! tes trésors, tes couronnes ? 12
» Que m'importent ces biens que m'accorde ta loi ? 12
40 » Une autre en aura plus que moi ! » 8
Et chacune, à ce mot funeste, 8
D'hésiter sans savoir pourquoi. 8
Le Désir, dieu léger et leste, 8
Les donne au diable, jure, peste, 8
45 Et s'indigne de rester coi. 8
L'Envie enfin, toujours implacable et cruelle, 12
Regarde sa sœur en grondant, 8
Puis, tout à coup, se décidant 8
« Que l'on m'arrache un œil, dit-elle. » 8
V. D'AUVERNEY.
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