Métrique en Ligne
HUG_10/HUG162
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
XIX
Le toit s'égaie et rit.
ANDRÉ CHÉNIER.
Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille 12
Applaudit à grands cris ; son doux regard qui brille 12
Fait briller tous les yeux, 6
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être, 12
5 Se dérident soudain à voir l'enfant paraître, 12
Innocent et joyeux. 6
Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre 12
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre 12
Les chaises se toucher, 6
10 Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire. 12
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère 12
Tremble à le voir marcher. 6
Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme, 12
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme 12
15 Qui s'élève en priant ; 6
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie 12
Et les poètes saints ! la grave causerie 12
S'arrête en souriant. 6
La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure 12
20 Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure, 12
L'onde entre les roseaux, 6
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare, 12
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare 12
De cloches et d'oiseaux ! 6
25 Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine 12
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine 12
Quand vous la respirez ; 6
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures 12
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures 12
30 Et de rayons dorés ! 6
Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies, 12
Car vos petites mains, joyeuses et bénies, 12
N'ont point mal fait encor ; 6
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange, 12
35 Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange 12
À l'auréole d'or ! 6
Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche. 12
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche ; 12
Vos ailes sont d'azur. 6
40 Sans le comprendre encor vous regardez le monde. 12
Double virginité ! corps où rien n'est immonde, 12
Âme où rien n'est impur ! 6
Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire, 12
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire, 12
45 Ses pleurs vite apaisés, 6
Laissant errer sa vue étonnée et ravie, 12
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie 12
Et sa bouche aux baisers ! 6
Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime, 12
50 Frères, parents, amis, et mes ennemis même 12
Dans le mal triomphants, 6
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles, 12
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles, 12
La maison sans enfants ! 6
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