Métrique en Ligne
HUG_10/HUG157
Victor HUGO
Les feuilles d'automne
1831
XIV
Oh primavera ! gioventù dell'anno !
Oh gioventù ! primavera della vita !
Ô mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse, 12
C'est donc vous ! Je m'enivre encore à votre ivresse ; 12
Je vous lis à genoux. 6
Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge ! 12
5 Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage, 12
Pour pleurer avec vous ! 6
J'avais donc dix-huit ans ! j'étais donc plein de songes ! 12
L'espérance en chantant me berçait de mensonges. 12
Un astre m'avait lui ! 6
10 J'étais un dieu pour toi qu'en mon cœur seul je nomme ! 12
J'étais donc cet enfant, hélas ! devant qui l'homme 12
Rougit presque aujourd'hui ! 6
Ô temps de rêverie, et de force, et de grâce ! 12
Attendre tous les soirs une robe qui passe ! 12
15 Baiser un gant jeté ! 6
Vouloir tout de la vie, amour, puissance et gloire ! 12
Être pur, être fier, être sublime et croire 12
À toute pureté ! 6
À présent j'ai senti, j'ai vu, je sais. — Qu'importe 12
20 Si moins d'illusions viennent ouvrir ma porte 12
Qui gémit en tournant ! 6
Oh ! que cet âge ardent, qui me semblait si sombre, 12
À côté du bonheur qui m'abrite à son ombre, 12
Rayonne maintenant ! 6
25 Que vous ai-je donc fait, ô mes jeunes années ! 12
Pour m'avoir fui si vite et vous être éloignées, 12
Me croyant satisfait ? 6
Hélas ! pour revenir m'apparaître si belles, 12
Quand vous ne pouvez plus me prendre sur vos ailes, 12
30 Que vous ai-je donc fait ? 6
Oh ! quand ce doux passé, quand cet âge sans tache, 12
Avec sa robe blanche où notre amour s'attache, 12
Revient dans nos chemins, 6
On s'y suspend et puis que de larmes amères 12
35 Sur les lambeaux flétris de vos jeunes chimères 12
Qui vous restent aux mains ! 6
Oublions ! oublions ! Quand la jeunesse est morte, 12
Laissons-nous emporter par le vent qui l'emporte 12
À l'horizon obscur, 6
40 Rien ne reste de nous ; notre œuvre est un problème. 12
L'homme, fantôme errant, passe sans laisser même 12
Son ombre sur le mur ! 6
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