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HUG_1/HUG453
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE DEUXIÈME
L'ÂME EN FLEUR
XXII
— Aimons toujours ! aimons encore ! 8
Quand l'amour s'en va, l'espoir fuit. 8
L'amour, c'est le cri de l'aurore, 8
L'amour, c'est l'hymne de la nuit. 8
5 Ce que le flot dit aux rivages, 8
Ce que le vent dit aux vieux monts, 8
Ce que l'astre dit aux nuages, 8
C'est le mot ineffable : Aimons ! 8
L'amour fait songer, vivre et croire. 8
10 Il a, pour réchauffer le cœur, 8
Un rayon de plus que la gloire, 8
Et ce rayon, c'est le bonheur ! 8
Aime ! qu'on les loue ou les blâme, 8
Toujours les grands cœurs aimeront : 8
15 Joins cette jeunesse de l'âme 8
À la jeunesse de ton front ! 8
Aime, afin de charmer tes heures ! 8
Afin qu'on voie en tes beaux yeux 8
Des voluptés intérieures 8
20 Le sourire mystérieux ! 8
Aimons-nous toujours davantage ! 8
Unissons-nous mieux chaque jour. 8
Les arbres croissent en feuillage ; 8
Que notre âme croisse en amour ! 8
25 Soyons le miroir et l'image ! 8
Soyons la fleur et le parfum ! 8
Les amants, qui, seuls sous l'ombrage, 8
Se sentent deux et ne sont qu'un ! 8
Les poëtes cherchent les belles. 8
30 La femme, ange aux chastes faveurs, 8
Aime à rafraîchir sous ses ailes 8
Ces grands fronts brûlants et rêveurs. 8
Venez à nous, beautés touchantes ! 8
Viens à moi, toi, mon bien, ma loi ! 8
35 Ange ! viens à moi quand tu chantes, 8
Et, quand tu pleures, viens à moi ! 8
Nous seuls comprenons vos extases ; 8
Car notre esprit n'est point moqueur ; 8
Car les poëtes sont les vases 8
40 Où les femmes versent leur cœur. 8
Moi qui ne cherche dans ce monde 8
Que la seule réalité, 8
Moi qui laisse fuir comme l'onde 8
Tout ce qui n'est que vanité, 8
45 Je préfère, aux biens dont s'enivre 8
L'orgueil du soldat ou du roi, 8
L'ombre que tu fais sur mon livre 8
Quand ton front se penche sur moi. 8
Toute ambition allumée 8
50 Dans notre esprit, brasier subtil, 8
Tombe en cendre ou vole en fumée, 8
Et l'on se dit : « Qu'en reste-t-il ? » 8
Tout plaisir, fleur à peine éclose 8
Dans notre avril sombre et terni, 8
55 S'effeuille et meurt, lis myrte ou rose, 8
Et l'on se dit : « C'est donc fini ! » 8
L'amour seul reste. O noble femme, 8
Si tu veux, dans ce vil séjour, 8
Garder ta foi, garder ton âme, 8
60 Garder ton Dieu, garde l'amour ! 8
Conserve en ton cœur, sans rien craindre, 8
Dusses-tu pleurer et souffrir, 8
La flamme qui ne peut s'éteindre 8
Et la fleur qui ne peut mourir ! 8
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