Métrique en Ligne
HUG_1/HUG407
Victor HUGO
LES CONTEMPLATIONS
tome I
AUTREFOIS
1830-1843
LIVRE PREMIER
AURORE
V
À André Chénier
Oui, mon vers croit pouvoir, sans se mésallier, 12
Prendre à la prose un peu de son air familier. 12
André, c'est vrai, je ris quelquefois sur la lyre. 12
Voici pourquoi. Tout jeune encor, tâchant de lire 12
5 Dans le livre effrayant des forêts et des eaux, 12
J'habitais un parc sombre où jasaient des oiseaux, 12
Où des pleurs souriaient dans l'œil bleu des pervenches ; 12
Un jour que je songeais seul au milieu des branches, 12
Un bouvreuil qui faisait le feuilleton du bois 12
10 M'a dit : « Il faut marcher à terre quelquefois. 12
« La nature est un peu moqueuse autour des hommes ; 12
« O poëte, tes chants, ou ce qu'ainsi tu nommes, 12
« Lui ressembleraient mieux si tu les dégonflais. 12
« Les bois ont des soupirs, mais ils ont des sifflets. 12
15 « L'azur luit, quand parfois la gaîté le déchire ; 12
« L'Olympe reste grand en éclatant de rire ; 12
« Ne crois pas que l'esprit du poëte descend 12
« Lorsque entre deux grands vers un mot passe en dansant. 12
« Ce n'est pas un pleureur que le vent en démence ; 12
20 « Le flot profond n'est pas un chanteur de romance ; 12
« Et la nature, au fond des siècles et des nuits, 12
« Accouplant Rabelais à Dante plein d'ennuis, 12
« Et l'Ugolin sinistre au Grandgousier difforme, 12
« Près de l'immense deuil montre le rire énorme.» 12
logo du CRISCO logo de l'université