Métrique en Ligne
HRV_1/HRV54
Henriette HERVÉ
DILECTION
1925
TRIPTYQUE
II
LITANIES DU CRUEL AMOUR
« 'tis like a long drawn sigh »
Amour 2
Trop lourd ! 2
Détresse 2
Qui blesse 2
5 Un cœur 2
En fleur ! 2
Souffrance 2
Dont tous 2
Les coups 2
10 De lance 2
Seront 2
profonds ! 2
Angoisse 2
Qui froisse 2
15 Le soir, 2
L'espoir 2
Aux‒ ailes 2
Trop frêles ! 2
Tourment 2
20 Vraiment 2
Sans trêve 2
Qui suit 2
Le rêve 2
La nuit ! 2
25 Torture 2
Trop dure 2
Qui tient 2
Sans fin 2
Et broie 2
30 Sa proie ! 2
Amour ! mal 3
Qui déchire ! 3
O martyre 3
Matinal 3
35 Où renaissent 3
Les tendresses ! 3
Je reçois 3
Dans l'effroi, 3
Sur la cible 3
40 De mon front 3
Ton horrible 3
Question 3
Quand chaque heure 3
Qui m'effleure 3
45 Tu la prends 3
Tout vibrant 3
Et l'égouttes 3
Goutte à goutte 3
De tes doigts 3
50 Toujours froids 3
Qui resserrent 3
Leur charnière 3
En pressant 3
Jusqu'au sang 3
55 Ah ! supplice 3
Journalier ! 3
Sans pitié 3
Tu revisses 3
Sur mes os 3
60 Ton étau ! 3
Amour ! Blessure 4
Qui semble un fard, 4
Et qui plus tard 4
Vous défigure ! 4
65 J'ai tes sillons 4
Marqués profonds ! 4
J'ai ta morsure 4
En pleine chair ! 4
Mon flanc ouvert 4
70 Par ta denture, 4
Envenimé 4
N'a pu fermer ! 4
Tiens ! Vois ta plaie 4
Qui sans recours 4
75 Saigne toujours 4
Quoi que j'essaie 4
Pour la guérir 4
De ton désir ! 4
Amour ! Escarre 4
80 Toujours à vif, 4
Qui sans motif 4
Étend sa tare 4
Jusqu'aux tissus 4
Moins corrompus 4
85 Et gagne et ronge 4
Et se prolonge 4
Jusques au cœur ! 4
Amour ! constate 4
La profondeur 4
90 De tes stigmates ! 4
Amour ! Soif infinie 6
Soif à qui l'on dénie 6
La goutte de nectar 6
Qui seule désaltère, 6
95 Toute l'eau des puisards 6
Ne peut te satisfaire ! 6
Amour ! Mortel besoin 6
De repos ! Insomnie 6
Où l'esprit s'ingénie 6
100 A chercher le refrain 6
Qui seul endort et berce 6
Et trouve un nom adverse ! 6
Amour ! Manque atroce et vital 8
Où le corps fait tellement mal 8
105 Qu'il semble vraiment qu'on l'ampute 8
Et qu'il soit bancal ou manchot, 8
Mais ce n'est, à chaque minute 8
Que le cœur lui-même qui faut ! 8
Amour ! Indigence complète, 8
110 Où l'on ne peut pas plus donner 8
Que recevoir, car la requête 8
N'obtient qu'un refus obstiné, 8
Et la plus magnifique aumône 8
Ne doit s'imposer à personne ! 8
115 Amour ! Dégoût si véhément 8
De tout ce qui n'est pas toi-même, 8
Que le moine le plus abstème 8
Commet plus d'excès infamants 8
Qu'un cœur soumis à ton empire 8
120 Et que rien, désormais, n'attire ! 8
Ils ont tout envahi ! 6
Ils se sont rendus maîtres 6
De mes sens, et pénètrent 6
L'instinct qui les trahit ! 6
125 Amour ! Je te retrouve 6
Dans chaque émoi qui couve 6
Et dans tous mes besoins ! 6
Leur force inconsciente 6
Grandit par ton levain, 6
130 Ta force, à toi, s'augmente 6
De l'apport qu'ils te font. 6
Et mon âme se rompt ! 6
Amour ! Faim térébrante 6
Que pourrait assouvir 6
135 Peut-être, un souvenir. 6
Mais que rien ne sustente 6
Lorsque manque en tous temps 6
Le seul pain suffisant ! 6
Amour ! Ennui dévastateur 8
140 Tout ensemble actif mais inerte 8
Resté sensible à toute perte 8
Mais indifférent aux bonheurs, 8
Toujours engourdi par ta chute 8
Mais toujours bandé pour la lutte ! 8
145 Amour ! Pauvre amour harassé ! 8
Fatigue sans fond et sans -bornes, 8
Où tes yeux eux-mêmes sont mornes 8
De n'avoir pu, dans le passé, 8
Rien communiquer de leur flamme ! 8
150 Amour !Lassitude de l'âme ! 8
Amour ! Fièvre d'abord sans grand danger, 10
Dont toute l'ardeur s'apaise et se calme 10
Au contact mouvant de deux fraîches palmes 10
Autour de mon front ! Délire léger 10
155 Qui trouble l'esprit et fait qu'on oublie 10
Le monde et sa loi ! Sublime folie 10
Qui du sacrifice a fait le bonheur ! 10
Transport sans égal, où le trait qui blesse 10
Est aussi celui qui comble le cœur ! 10
160 Contrainte subite et brusque faiblesse 10
Lorsque la réponse et la question 10
N'ont pas jailli de la même façon, 10
Hantise qui fait répéter un nom 10
Jusqu'à n'en plus reconnaître le son ! 10
165 Qui fait regarder la foule au passage 10
Et scruter un à un chaque visage 10
Dans l'espoir, toujours vain, de retrouver 10
Les traits que, dans l'âme, on porte gravés ! 10
Vertige atroce un jour que la pensée 10
170 En plein avenir s'étant élancée 10
En a brusquement mesuré l'horreur ! 10
Démence qui surgit et qui fascine 10
Et qui semblé creuser dans la poitrine 10
Un gouffre où tombe, comme un plomb, le cœur ! 10
175 Amour cruel enfin !… Tu surprends et tu troubles, 12
Tu charmes, tu séduis, tu conquiers, tu soumets, 12
Mais lorsque ton esclave est à toi pour jamais 12
Quand tu te sens bien sûr que ta force redouble, 12
Tu maltraites et tu trahis comme à plaisir ! 12
180 Alors ! pour me soustraire à toi et pour te fuir 12
Pour tenter de reprendre un cœur que tu tortures, 12
Où m'as-tu conduite, Amour ! Où t'ai-je mené, 12
Et que n'ai-je donc pas fait pour t'abandonner, 12
Lorsque, de l'aube au soir et dans la nuit obscure, 12
185 Par tous les temps, nous dévalions sur les chemins, 12
Mais sans pouvoir, hélas ! nous déprendre les mains ! 12
…On nous a vus, de grand matin, parmi la brume, 12
Quand les derniers labours finissent dans les champs 12
Et, qu'au long du versoir, la terre ouverte fume ; 12
190 Quand les bœufs accouplés font tenir en suspens 12
Le souffle chaud de leurs naseaux dans l'air tranquille 12
Tandis qu'à l'horizon des semeurs se profilent… 12
Et que l'on aperçoit enfin l'abîme 10
Entre deux corps un instant réunis ! 10
195 Égarement des sens que rien n'exprime, 10
Puisqu'ils ont crû posséder l'infini, 10
Alors que pour une heure trop briève, 10
Ils n'ont vraiment tenu qu'un peu de rêve 10
De ce calme tableau j'emplissais mes regards, 12
200 Je saturais mes sens de la paix de l'automne ; 12
Je croyais m'engourdir dans l'aube qui frissonne 12
En cherchant à te perdre au milieu du brouillard ; 12
Et, sans vouloir, rêver au goût de tes caresses, 12
J'espérais t'oublier !… Mais je souffrais sans cesse, 12
205 Car toi, Bouvier sauvage, Amour ! ton aiguillon 12
Venait toujours piquer ta victime dolente 12
Et, pour tracer plus droit ton douloureux sillon, 12
A travers ton domaine, où passait l'épouvante, 12
Tu guidais en plein cœur ton implacable soc 12
210 Et tu fendais l'humus friable sans un choc ! 12
…On nous a vus aussi, l'un entraîné par l'autre, 12
Dans les vergers féconds où les fruits encor verts 12
Faisaient, au grand soleil, gonfler leur dure chair, 12
Aux jours où mûrissaient les seigles et l'épeautre ! 12
215 Assise alors au pied d'un arbre, et la clarté 12
Jetant sur mes genoux l'ivresse de l'été, 12
espérais un instant, qu'ayant perdu ma trace, 12
Tu t'éloignais, et que peut-être à l'avenir 12
Tu permettrais à mon destin de refleurir ! 12
220 Mais, brusquement, tu revenais, et, sur ta face, 12
Resplendissait l'ardeur empruntée au soleil, 12
Car tu lui dérobais ses flèches de vermeil ! 12
Tu ne m'avais quittée un peu que pour les prendre, 12
Amour ! impitoyable Archer ! et mon cœur tendre, 12
225 Qui s'était enivré de la douce chaleur 12
Sous un arbre chargé de promesses, mon cœur, 12
Par son émotion, te donnait plus de force 12
Et tes sagettes le clouaient contre l'écorce ! 12
Par les nuits d'équinoxe on nous a vus souvent 12
230 Lancés comme au galop sous les fouets du vent ! 12
Mais lorsque la nature entière était la proie 12
De la tempête et du tumulte et du tourment, 12
Quand la lune, au ciel noir, chevauchait follement 12
Tous ses étalons pommelés, comme une joie, 12
235 Étrange et folle me prenait ! N'allais-je pas 12
A force de bondir, désarçonner mon maître, 12
Et, libre et sans pensée, au vent qui me pénètre, 12
Impondérable, m'envoler, bien loin de là !… 12
Mais un courlis, perdu dans l'ombre de la plaine, 12
240 Jetait à la rafale un rappel de ma peine… 12
Tu l'entendais, Amour, farouche Cavalier' ! 12
Et d'un coup d'éperon sur mon cœur trop rapide, 12
Tu me forçais encore au rythme coutumier ! 12
Il suffisait, ce pauvre cri, pour que ta bride, 12
245 A mon cou resserrée, arrête mon élan, 12
Et que la nuit ne tienne plus que du néant ! 12
Tu m'as traquée, Amour, ô Chasseur sanguinaire ! 12
A travers les halliers, au milieu des gaulis 12
Renaissants, dans la paix vernale des clairières, 12
250 Aux mois où jamais plus ne sonne un hallali ! 12
Que te faisaient, à toi, la branche ébourgeonnée 12
Et le frisson sur l'allégresse des journées ! 12
Tu n'avais qu'un seul but : m'atteindre et me meurtrir 12
Tu prenais la saison où mon âme troublée, 12
255 Plus qu'à d'autres moments, subissait ton désir, 12
Et tu la forlançais à travers les vallées 12
Et jusqu'au fond des bois, où l'aubépine en fleur 12
Me déchirait moins à l'épine qu'à l'odeur ! 12
Mon pied glissait sur les corolles de jacinthes, 12
260 Et d'avoir vu deux loriots couver leur nid, 12
Par leur obscur instinct étroitement unis, 12
Je défaillais !… Ainsi, sans écouter ma plainte, 12
Sans te laisser fléchir par les pleurs de mes yeux, 12
Tu m'enfonçais au cœur ta dague et ton épieu ! 12
265 Amour ! Amour ! Te fuir est vain ! Tu m'as choisie, 12
Et je suis ta victime, et j'endure ta loi, 12
Et je dois confesser la redoutable foi 12
Dont hélas ! c'est le dieu qui fait apostasie ! 12
Il me faut te subir et t'implorer, Amour ! 12
270 Qui m'accables et m'abandonnes tour à tour 12
C'est toi qui fais ma vie à la fois morne 10
Et trop pleine d'émoi, car seul tu peux 10
Reculer jusqu'à l'infini les bornes 10
De notre souffrance, Amour fluctueux 10
275 Qui tantôt remplis à l'excès mon être 10
Et tantôt me fuis jusqu'à disparaître ! 10
Amour qui parfois fais craquer mon cœur 10
Comme sous un U f lux intérieur 10
Dilatant d'un coup ses parois rigides, 10
280 Et qui parfois aussi le fais trop gourd 10
Pour pouvoir battre, et le rends vide, vide 10
Comme le sépulcre au troisième jour ! 10
Amour tout à la fois néant et vie ! 10
Donnant, certains jours, à l'âme un surcroît 10
285 Vital, qui la jette en plein désarroi ; 10
Lui retirant, d'autres jours, toute envie, 10
Toute ferveur, tout désir, tout essor, 10
Et lui faisant déjà goûter la mort ! 10
… Amour ! hypogée où les niches creuses 10
290 N'ont pas, reçu de funèbre dépôt, 10
Mais où veille pourtant une pleureuse 10
Dont les yeux brûlés de larmes, sont clos ! 10
Sombre tombe où nul n'a voulu descendre ! 10
Urne lourde où ne pèse aucune cendre ! 10
295 Sépulture vide au nom mal connu ! 10
Mausolée inutile où ne repose 10
Aucun souvenir couronné de roses ! 10
Sarcophage qui n'a jamais tenu 10
De corps embaumé ! Amour ! nécropole 10
300 Où ne vient errer qu'une femme folle ! 10
Amour funèbre ! Amour mortel ! 8
Qui fais de moi pis qu'un cadavre, 8
Quand mon cœur, sourd à tout appel, 8
Vivant, se nécrose et se navre, 8
305 Et n'a plus la force d'avoir 8
Même un sursaut de désespoir ! 8
Puis, brusque Amour qui surabondes, 8
Affolant ce cœur trop étroit, 8
Et fais, en moins d'une seconde, 8
310 Fléchir_ tout mon corps sous son poids ! 8
Amour, dont l'accablante grâce 8
Reste sans vertus efficaces ! 8
Amour, tabernacle où revient 8
Palpiter, non pas la colombe, 8
315 Mais un vautour à bec d'airain ! 8
Châsse d'or où tressaillent les lombes 9
D'un pauvre saint martyrisé 8
Par l'ardent désir du baiser ! 8
Reliquaire où se liquéfient 8
320 Des pleurs trop longtemps contenus ! 8
Autel désert qui jamais n'eût 8
L'oblation qui vivifie 8
Mais où le feu du ciel descend 8
Hostie où reparaît le sang ! 8
325 Calice à nouveau plein de lie ! 8
Amour qui me reviens d'un bond 8
A l'heure où je crois que j'oublie, 8
Et qui jusqu'à réplétion 8
Gorges mon cœur, m'étreins, m'écrases 8
330 Pour m'imposer ton hypostase ! 8
…Et deux esclaves nus, 6
L'un à l'autre inconnus, 6
Vont, dans ton ergastule, 6
Combattre sans scrupules 6
335 Et, de leur front, heurter 6
L'espace limité ! 6
Amour ! O latomie 6
Regorgeant d'infamie ! 6
Tes murs de dur granit 6
340 Montent jusqu'au zénith, 6
Enfermant, innombrables, 6
Innocents et coupables, 6
Tandis que, sans pitié, 6
Les privilégiés 6
345 Dont le cœur fut de glace 6
Écoutent quand ils passent 6
Retentir les échos 6
Du bruit de nos sanglots ! 6
Galère aux noires voiles 6
350 Où des forçats pâlis, 6
Sous un ciel sans étoiles, 6
Vers des terres d'oubli, 6
En fouettant les écumes 6
S'efforcent dans la brume, 6
355 Sans que le geste prompt 6
De leurs courts avirons 6
Réalise leur rêve ! 6
Car pour ces condamnés, 6
Par couples enchaînés, 6
360 La mer n'a plus de grèves ! 6
Amour ! cachot 4
Étroit et chaud 4
Qui pourtant semble, 4
Au corps qui tremble 4
365 Un froid désert 4
Où l'on se perd ! 4
Amour ! cellule 4
Aux murs unis, 4
Où s'accumule 4
370 Tant d'infini 4
Que mon haleine 4
S'exhale à peine ! 4
Amour ! Prison 4
Et bagne et geôle 4
375 Dont les cloisons 4
Partout me frôlent 4
En restreignant 4
Mes cris poignants ! 4
Chambres ardentes 4
380 Dont les parois 4
Sans une fente 4
Au feu sournois 4
Sur moi se joignent 4
Comme des poignes 4
385 Strict in-pace 4
Dont le silence 4
Se fait intense 4
Au cœur blessé 4
Pour mieux réduire 4
390 Tous ses délires ! 4
Plombs cuisants 3
Où mon sang 3
Plein des fièvres 3
Du péché, 3
395 Sur mes lèvres 3
Est séché ! 3
Oubliettes 3
Où halète 3
Et gémit 3
400 Insoumis 3
Mon sort triste 3
Qui persiste 3
Par l'espoir 3
De ravoir 3
405 Ton étreinte 3
D'autrefois 3
Et ta foi 3
Non éteinte ! 3
Rouge enfer 3
410 Où ma chair 3
Flambe et brûle 3
Puisque nulle 3
Eau, jamais,.. 3
N'y transmet 3
415 Son dictame 3
De fraîcheur ! 3
Limbe où pâme 3
Et se meurt 3
Sans blasphème 3
420 L'amour même ! 3
Amour ! 2
Séjour 2
Si sombre 2
Qu'à l'ombre 2
425 Tarit 2
Sans cri 2
La sève 2
Du rêve ! 2
Tu sais, 2
430 A l'âme 2
En flamme, 2
Par ces 2
Funèbres 2
Ténèbres 2
435 Ravir 2
L'ultime 2
Soupir 2
Qu'anime 2
Encor 2
440 L'essor 2
Des phrases 2
D'un jour 2
Trop court 2
D'extase 2
445 Amour 2
Fais grâce ! 2
Secours 2
Ou glace 2
Mon cœur 2
450 En pleurs ! 2
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