Métrique en Ligne
HRV_1/HRV42
Henriette HERVÉ
DILECTION
1925
CHANTS DE PALESTINE
LA COUPE
Mon bien-aimé m'a dit : « Ma belle, ma colombe ! 12
J'ai trop tremblé quand se reflétaient, au ruisseau 12
Où tu buvais, ta bouche ouverte et tes yeux clos… 12
Car tu glissais, malgré la branche d'un bouleau ! 12
5 Il m'a semblé que je voyais s'ouvrir ta tombe… 12
Alors j'ai façonné cette coupe d'or pur 12
Sur la rondeur de la grenade aux courbes pleines ; 12
Des feuilles en faisceau soutiennent dans leur gaine 12
La lourde panse, où saigne encore un rang de graines, 12
10 Et l'or est fastueux comme était le fruit mûr ! 12
Quand tu boiras, dorénavant, les ombres mates 12
De son métal bruni, teinteront l'eau trop pure 12
Comme de pourpre et d'ambre, et les grains de bordure, 12
Par ta lèvre pressés, t'offriront la brûlure 12
15 Du moût de grenadier et du vin d'aromates ; 12
J'ai répondu : « Mon bien-aimé, mon doux ramier ! 12
Te souviens-tu du jour levant dans la vallée ?… 12
Nous regardions sur les coteaux de Galilée 12
Les amandiers en fleur… J'ai bu la giboulée 12
20 Que tu m'offrais, dans une feuille de laurier… 12
Te souviens-tu ?… Du bord de l'eau tu me repousses… 12
Je vois au fond de l'onde un reflet lumineux 12
Dorer ma tête, au soleil de tes blonds cheveux… 12
Je sens l'étreinte aussi de tes bras amoureux… 12
25 Puis au creux de ta main l'eau m'a semblé si douce… 12
Reprends, mon bien-aimé, la coupe en or d'Ophir ! 12
L'avais-je donc, pour cueillir les fleurs par brassées 12
L'autre matin ?… et ma soif s'était apaisée… 12
Car sur tes yeux tu m'as fait boire la rosée… 12
30 Voudrais-tu maintenant troubler ce souvenir ? 12
Prends-là ! Je ne veux pas que mes lèvres y touchent ! 12
Je veux rêver encor de ce jour trop brûlant 12
Où le puits était vide et séché par le vent… 12
Tu m'as, d'un long baiser qui plonge entre les dents, 12
35 Désaltéré avec la sève de ta bouche… 12
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