Métrique en Ligne
HRV_1/HRV19
Henriette HERVÉ
DILECTION
1925
SUIVANT L'HUMEUR DES JOURS
PRINTEMPS
Une vaste rumeur d'attente et de désir 12
Émeut les bois, crispés sous la caresse acide 12
D'un vent trop frais, d'un vent aigu qui fait frémir, 12
Dans les vergers, les frissonnantes fleurs candides ; 12
5 Et je vais en tenant mes rêves par la main. 12
Le ciel est agrandi de leur aile éployée . 12
Qui jette par instants de l'ombre en mon chemin. 12
…Oui, je vais au hasard sur ta trace mouillée, 12
Printemps au visage incertain, aux jeunes yeux 12
10 Tournés vers l'inconnu d'une saison nouvelle, 12
Car je veux lire encor dans tes vertes prunelles 12
Ton mensonge périssable mais radieux ! 12
Je t'aperçois… je te poursuis… mais tu t'élances, 12
Et tourbillonnant, fou, jeune et divin, tu danses ! 12
15 Sous le grand soleil blond comme un rayon de miel, 12
Tu danses ! Sous la soie opaline du ciel, 12
Dans le ruissellement aérien des écharpes, 12
Je vois jouer sur toi le prisme aux sept couleurs… 12
… Et je songe à l'amour dont toute la douceur 12
20 N'est peut-être qu'un chant merveilleux de ta harpe, 12
O Printemps !… Toi, tu ris en dansant, les yeux clos… 12
Tu foules de tes pas l'herbe odorante et molle, 12
Sous les branches retombantes des grands bouleaux ; 12
Tu fais naître en dansant ce chant qui nous affole, 12
25 Tu l'inscris sur la terre en bouquets dénoués,. 12
Et, par tes traits d'anémone et de violette, 12
La forme et le parfum d'une fugue muette 12
Suit ta danse éperdue, en motifs alternés ! 12
Tout autour de ta grâce ondoient les frais pétales ! 12
30 Tu leur dictes la joie et la vie, et l'instinct, 12
La danse aveugle du désir et du destin… 12
La forêt tout entière en un soupir exhale 12
La réponse à ton chant, et semble s'abreuver 12
Au geste fécondant de tes deux bras levés 12
35 Son ciel a reflété ta clarté juvénile, 12
Ses arbres garderont la tendre flexion 12
Et le rythme émouvant de ton beau corps gracile 12
Tu la feras renaître après chaque abandon 12
Plus docile à ta voix sous le joug des années 12
40 Mais un joug bien plus lourd vient entraver l'élan 12
Dont j'accueillais ton premier souffle étincelant 12
Tu ne peux refleurir toutes les destinées… 12
Toi que j'ai tant aimé, toi qui me répondais, 12
Tu ne m'apparais plus, Printemps, quand je t'implore 12
45 Et le ramier donne une voix à mes regrets 12
En roucoulant : « Erôs, Erôs »… il pleure encore… 12
logo du CRISCO logo de l'université