Métrique en Ligne
HRV_1/HRV13
Henriette HERVÉ
DILECTION
1925
SUIVANT L'HUMEUR DES JOURS
PAYSAGE
Ce n'est qu'un simple paysage, 8
Un soir de fenaison, le soleil disparu… 12
Des champs, la haie au bord d'un rû, 8
Trois peupliers, jalonnant la route au passage… 12
5 Mais le déclin du jour est limpide et doré, 12
Le ciel, tendrement vert, effeuille des promesses, 12
Le parfum de l'été n'est plus qu'une caresse 12
Dont seraient fécondés les prés, 8
Et la plaine endormie et tranquille se gonfle 12
10 Du soupir léger d'un coteau… 8
Ce n'est qu'un paysage avec un chariot 12
Lourd de foin, où des insectes attardés ronflent, 12
Avec des boqueteaux pour borner l'horizon, 12
Mais là-bas, invisible au tournant, la maison… 12
15 Et ce paysage m'accable !… 8
Quand respirer serait aimer, moi ! je me meurs 12
Comme d'un mal intolérable ! 8
Et pour donner son goût réel à ma douleur, 12
Je voudrais m'écrouler là, tout contre la terre, 12
20 Et follement, m'emplir la bouche d'herbe amère, 12
La mâcher, la manger, symbole plus vivant, 12
M'en repaître par larges touffes, 8
Et la tenir aussi serrée entre mes dents 12
Elle qui trop souvent m'étouffe ! 8
25 Et puis, lorsque gorgé de l'atroce festin, 12
Mon misérable cœur éclaterait enfin, 12
Ah ! je verserais mes larmes d'une coulée 12
Comme un sauvage miel d'une ruche comblée ! 12
Car alors je ne verrais pas 8
30 Ce couple de faneurs cheminer sur la route, 12
Et je ne tremblerais pas toute 8
Quand un geste identique unit leurs pauvres bras 12
Ils. vont, tous deux, ils vont… Un même joug les lie, 12
Et, dans l'heureuse paix de la tâche accomplie, 12
35 Ils côtoient lentement la tâche de demain. 12
Et c'est ce couple que j'envie ! 8
Ces rustres sans beauté connaissent de la vie 12
L'essentiel, l'unique bien ! 8
Ils peineront toujours et leurs fêtes sont brèves, 12
40 Mais leurs médiocres cœurs n'en font plus vraiment qu'un, 12
Ils sont forts, ils sont grands, d'avoir mis en commun 12
Leur labeur sans espoirs et leur repos sans rêves ! 12
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