Métrique en Ligne
HRV_1/HRV10
Henriette HERVÉ
DILECTION
1925
SUIVANT L'HUMEUR DES JOURS
NE CROIS PAS QUE L'ÉTÉ REVIENNE
Ne crois pas que l'été revienne tous les ans 12
Sur les mêmes laines fécondes ; 8
Ce sont d'autres étés, et ce sont d'autres champs 12
Où les récoltes surabondent… 8
5 L'été se coupe, à la faux du dernier regain 12
Et se blute avec les ivraies ! 8
Puis c'est un autre été qui se fane aux andains 12
Et que l'on glane autour des haies 8
Tu ne peux pas deux ans goûter les mêmes fruits 12
10 Au même déclin des journées… 8
Il manque au crépuscule une odeur, ou des bruits, 12
Comme au ciel les longues traînées 8
Qui t'enchantaient étrangement… Ah ! l'an dernier !… 12
N'espère pas qu'il se répète ! 8
15 Mais tu ne vois donc pas que le Temps sans pitié 12
Ne renouvelle aucune fête, 8
Et ne laisse nouer deux fois aucun bouquet… 12
…Les vendanges encore vertes, 8
Quand coulera le suc de leurs longs grains musqués, 12
20 Auront un autre arôme, certes ! 8
Que les vins déjà vieux qui dorment au cellier… 12
Ta soif ne sera pas la même… 8
…Lorsque tu chasseras, à l'aube, les halliers, 12
Tiendront-ils dans leur brouillard blême 8
25 Tes rêves d'un autre matin ?… Et ton frisson, 12
Devant la vaste cheminée, 8
Ne sera-t-il pas fait d'un froid bien plus profond 12
Que celui des autres années ?… 8
Ah ! n'affirme donc pas que les nouveaux printemps 12
30 Refleurissent les mêmes branches, 8
Quand tu ne peux pas être sûr que, simplement, 12
Tu sentiras si tu te penches 8
Monter encor l'odeur des anciens lilas 12
Comme un sanglot dans ta poitrine… 8
35 N'attends plus ! n'attends plus ! Agis ! n'espère pas ! 12
Il n'est que temps, le jour décline… 8
Le soleil de demain aura d'autres rayons 12
Et que tes yeux voudront connaître… 8
Tous les flots inconnus te sembleront profonds, 12
40 Et pour y retremper ton être, 8
Tu voudras oublier que l'azur de la mer 12
N'est fait que de l'eau des orages, 8
Et souffletait nos fronts unis encor hier ; 12
Tu le croiras nouveau, sans âge, 8
45 Quand c'est lui dont est fait notre ciel d'aujourd'hui ! 12
C'est là, vraiment, l'atroce chose ! 8
Rien ne résiste au temps, et le temps même fuit… 12
Vois, dans ton âme la plus close, 8
Que de dieux disparus, de titans écroulés 12
50 Et de héros portés en terre, 8
Qui furent toi pourtant, dans les jours écoulés ! 12
Et celui qui m'aimait naguère ! 8
Cet homme que tu fus un instant près de moi, 12
Et que moi j'idolâtre encore, 8
55 Qu'en fais-tu, dis ? Il change !… Il change chaque fois 12
Qu'un autre regard le déflore ! 8
Il change, et je poursuis son ombre chaque jour 12
Il change, et je cherche mon âme !… 8
Je ne sais même plus ce que c'est que l'amour 12
60 Tant le besoin de toi m'affame… 8
Tu possèdes toujours mon cœur exténué 12
Mais je cherche en vain ton visage… 8
Si mon désir pouvait t'atteindre et te tuer 12
J'aurais ce funèbre courage ! 8
65 Je fixerais alors à tout jamais l'amant 12
Je te défendrais de toi-même, 8
Et le jour de ma mort tu recevrais vraiment 12
L'ensevelissement suprême ! 8
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