Métrique en Ligne
HAR_2/HAR64
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
I
LA VIE EXTÉRIEURE
LES LOIS — LES CULTES — LES FORMES
LES CULTES
À ALFRED DE VIGNY
Maître au bras fort, géant de bronze et de granit, 12
Cœur taillé dans l’airain, front moulé pour les heaumes, 12
Demi-dieu survenu dans le siècle des gnomes, 12
Près du cercueil ouvert d’un monde qui finit ! 12
5 O poète ! Du fond des ombres où nous sommes, 12
Je t’aime et te salue avec un respect saint, 12
Toi qui portas la mort dans l’orgueil de ton sein 12
Sans pousser un seul cri d’angoisse vers les hommes. 12
Tu mis ta large main sur ta poitrine en feu, 12
10 Emprisonnant ton cœur dans sa torture intime, 12
Et trop fier pour vouloir un renom de victime 12
Tu gardas ton secret pour toi seul et pour Dieu. 12
C’est jusqu’au dernier jour que ta douleur s’est tue : 12
Les ans s’accumulaient sur les ans ennemis, 12
15 Tant qu’à la fin, brisé d’effort, tu t’endormis, 12
Grave, immobilisant ton calme de statue. 12
Tels, crispés de superbe et de rage, hagards, 12
Dans le carcan des rois ou sous le fouet de l’ange, 12
Les farouches damnés que sculptait Michel-Ange 12
20 Arrêtent la pitié sur le bord des regards. 12
Leur chair se fend ; le fer se tord pour les étreindre : 12
Mais eux, debout, hautains, et sans voir les bourreaux, 12
Songent ; et quand la mort descend sur ces héros, 12
Ils paraissent si grands qu’on n’ose pas les plaindre. 12
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