Métrique en Ligne
HAR_2/HAR47
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
I
LA VIE EXTÉRIEURE
LES LOIS — LES CULTES — LES FORMES
LES LOIS
CLAIR DE LUNE
À ÉMILE GITER
Jadis, aux jours du Feu, quand la Terre, en hurlant, 12
Roulait son bloc fluide à travers le ciel blanc, 12
Elle enfla par degrés sa courbe originelle, 12
Puis, dans un vaste effort, creva ses flancs ignés. 12
5 Et lança, vers le flux des mondes déjà nés, 12
La Lune qui germait en elle. 8
Alors, dans la splendeur des siècles éclatants, 12
Sans relâche, sans fin, à toute heure du temps, 12
La mère, ivre d’amour, contemplait dans sa force 12
10 L’astre enfant qui courait comme un jeune soleil : 12
Il flambait. Un froid vint l’engourdir de sommeil 12
Et pétrifia son écorce. 8
Puis, ce fut l’âge blond des tiédeurs et des vents : 12
La Lune se peupla de murmures vivants ; 12
15 Elle eut des mers sans fond et des fleuves sans nombre, 12
Des troupeaux, des cités, des pleurs, des cris joyeux ; 12
Elle eut l’amour ; elle eut ses arts, ses lois, ses dieux, 12
Et, lentement, rentra dans l’ombre. 8
Depuis, rien ne sent plus son baiser jeune et chaud ; 12
20 La Terre qui vieillit la cherche encor là-haut : 12
Tout est nu. Mais, le soir, passe un globe éphémère, 12
Et l’on dirait, à voir sa forme errer sans bruit, 12
L’âme d’un enfant mort qui reviendrait la nuit 12
Pour regarder dormir sa mère. 8
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