Métrique en Ligne
HAR_2/HAR116
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
MIDI
LE BOUCLIER
À ÉMILE GOUBERT
Le ventre de la femme est comme un bouclier 12
Taillé dans un métal lumineux et sans tache, 12
Dont la blancheur se bombe et descend se plier 12
Vers l’ombre où sa pointe se cache. 8
5 Depuis l’angle d’or brun jusqu’au pied des seins nus, 12
Il s’étale, voûtant sa courbe grasse et pleine ; 12
Et l’arc majestueux de ses rebords charnus 12
Glisse dans les sillons de l’aine. 8
Tandis que, ciselé sur l’écusson mouvant 12
10 Où s’abritent la source et les germes du monde, 12
Le nombril resplendit comme un soleil vivant, 12
Un vivant soleil de chair blonde ! 8
— Magique Bouclier dont j’ai couvert mon cœur ! 12
Égide de Vénus, ô Gorgone d’ivoire 12
15 Dont la splendeur joyeuse éblouit ma rancœur 12
Et rayonne dans ma nuit noire ! 8
Méduse qui fais fuir de mon cœur attristé 12
Le dragon de l’Ennui dont rien ne me délivre ; 12
Arme de patience avec qui j’ai lutté 12
20 Contre tous les dégoûts de vivre ! 8
Je t’aime d’un amour fanatique et navrant ; 12
Car mes seuls vrais oublis sont nés dans tes luxures, 12
Et j’ai dormi sur toi comme un soldat mourant 12
Qui ne compte plus ses blessures. 8
25 C’est pourquoi ma douleur t’a dressé des autels 12
Dans les temples déserts de mon âme embrunie : 12
Et j’y viens adorer les charmes immortels 12
De ta consolante harmonie. 8
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