Métrique en Ligne
HAR_2/HAR111
Edmond HARAUCOURT
L’Âme nue
1885
II
LA VIE INTÉRIEURE
L’AUBE — MIDI — LE SOIR
L’AUBE
DAME DU CIEL
À H. BÉTHUNE
Madame la Lune, en robe gris pâle, 10
Dans les velours bleus et les satins verts 10
De ses grands salons à plafonds d’opale 10
Reçoit les rimeurs de vers. 7
5 Et roulant son front nimbé de topaze 10
Parmi les coussins de nuages flous, 10
Elle écoute avec une feinte extase 10
Chanter son peuple de fous. 7
Nos regrets, nos vœux, nos bonheurs, nos peines, 10
10 Elle connaît tout depuis dix mille ans ; 10
Elle a des regards qui calment les haines 10
Et qui font des baisers blancs. 7
Pour guérir nos cœurs des tourments que sème 10
Le sourire froid des femmes ses sœurs, 10
15 Elle orne gaîment son sourire blême 10
De caressantes douceurs. 7
Elle sait le nom des pays du rêve, 10
Mondes idéals que l’amour bénit, 10
Chers Édens vers qui notre espoir s’enlève 10
20 Comme un oiseau vers son nid… 7
Puis, lorsque s’éteint le lustre d’étoiles 10
Qui crépite au loin dans le clair obscur, 10
Lente, elle s’en va dégrafer ses voiles 10
Sous les courtines d’azur. 7
25 On croit qu’elle dort, lasse et solitaire, 10
Mais son char de nacre aux luisants essieux 10
L’emporte en fuyant autour de la terre ; 10
Et déjà sous d’autres cieux, 7
Madame la Lune, en robe gris pâle, 10
30 Dans les velours bleus et les satins verts 10
De ses grands salons à plafonds d’opale 10
Reçoit les rimeurs de vers. 7
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